Et si on arrêtait un peu avec toutes ces phrases qui commencent invariablement par : « La Littérature,
c’est… ». Soyons francs. Toutes ces définitions aussi péremptoires qu’appauvries ne visent en général qu'à prendre droit de propriété sur cette
toute petite part de littérature dont on possède à peu près la maîtrise, qui sert nos intérêts particuliers, ou encore qu’un pur hasard a placé sur notre chemin. La Littérature, ce sont
d’abord Les littératures : écrites, orales, venues de partout… Et non, justement, on ne sait pas ce que c’est. On fait littérature
de cela ; de ne pas savoir de quoi l’on parle. Alors on écrit le livre. Après, on n’en sait pas plus. Du moins a-t-on arpenté, un peu, la vieille route.
Serait donc littéraire ce qui, a priori, échappe à toute tentative de classification, de définition. De mise aux normes (L’art est énorme !). Et si c’était dans la diversité
qu’existait la littérature, précisément, dans l’archipel de son impossible totalisation, dans le compte impossible de sa somme jamais ronde ? Les écritures s’ajoutent les unes aux autres
plus qu’elles ne se contredisent. Elles se créolisent parfois, mais ne s’opposent pas plus qu’une pierre ne contredit une autre pierre.
Lorsqu’elle est sincère, puissante, la langue n’a pas besoin de s’opposer pour se poser. Elle va son propre chemin, à la découverte de cette radicale singularité qui est la sienne,
qu’elle ne postule pas et se contente d’expérimenter lorsque par bonheur il lui arrive de prendre forme.
Ce que c’est, la Littérature ? Cette liberté peut-être de tenir ouvert pareil questionnement.