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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 11:08

 

 

1. Parler seul

 

Ce type qui parlait tout seul ce matin dans le métro, mécontent de lui, remâchant d’antiques rancœurs, hanté de vieillerie. Comme si la paroi qui séparait le monde de son esprit et le monde du dehors était devenue mince au point que ses pensées secrètes lui échappent à son insu. Comme une incontinence de cerveau. Il y en aura de plus en plus, des comme lui. On se sera tous longuement entraînés. On aura appris à le faire. On fera de grands gestes, on parlera à nos téléphones éteints comme jadis, quand on avait quelqu’un à qui parler. On sera bien fous comme il faut. Ne faisant plus de différences entre les paroles du dedans et les paroles du dehors.

 

 

 2. Enluminures urbaines

 

Lettres errantes de nos murs hantés de couleur de graphisme d’incompréhensible, jetées-là en attentats mineurs, les graffs les tags paraphes enluminures urbaines près des voies de chemin de fer des noms parfois plus repérables bombages de kaos jaillis du trait de l’illicite du furtif un chaos pourtant étrangement sage et ordonné, mots étalés en fresques aux proportions parfaites, juste le signe que quelqu’un est passé là, a vécu ça, le temps du paraphe, le temps de l'enluminure, la maîtrise que cela suppose, un anonyme dont la main a voulu sauver sa propre vie de l’anonymat, de ce grand naufrage dans l’inhumain de nos villes - l’obscure adresse d’un message indéchiffrable, et parfaitement clair.

 

 

3. Les lettres manquantes

 

Disparitions à la Perec. Lettres volées. Envolées. Les SMS, ils me font penser au nom du dieu des Juifs, ce dieu aux lettres manquantes. Indications furtives. La lettre en révolte contre le mot. Les voyelles surtout en prennent un sacré coup, moi qui les aime tant depuis que j’y sais mettre des couleurs rimbaldiennes. Et dans le vide de ces paroles gauchies et contrefaites cette angoisse de ne pas retenir assez le jaillissement de l’immédiat l’ampleur des simultanéités, toutes ces choses qui attentent à la pensée, à la parole lente et vraie, ce vide par lequel une folie nouvelle s’insinue (c’est comme cette expression redondante et nerveuse qu’on entend partout aujourd’hui et que façonne un doute si profond, « j’veux dire », eh bien si tu veux dire dis-le mon garçon et qu’on n’en parle plus, bordel !), sur MSN déjà les icônes remplacent la parole on n’échange plus que des signes pré-enregistrés dans des mémoires nécessairement limitées qu’on active de manière réflexe, pas de réflexions, pas le temps, pas d’autre sens que la rapidité des échanges au milieu du vide – quel dieu déchu y épelle-t-il donc son éternelle absence ? Quel innommé s’est-il ici perdu ? Quelle réalité désormais inarticulable ?

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 21:09

Quand je veux lire un imbécile de haut vol, un imbécile de talent – j’entends : dont le talent réside dans la profondeur même de son imbécilité, je lis Finkielkraut. Cet enchantement dure depuis longtemps. Je n’ai jamais été déçu.

 

Ne voilà-t-il pas que le malheureux publie en cette rentrée  Un Cœur intelligent. Des notules de courte portée, fiches de lecture sur quelques romans sans aucun rapport entre eux (mais soit : nous admettons le désordre). Il y souligne la complexité romanesque contre le manichéisme des fables. Re-soit, bien que ce ne soit guère sympathique pour Esope ni La Fontaine. On voudrait bien le croire, le pauvre homme, si tout dans sa pensée ne se réduisait pas, précisément, à ce manichéisme de corps de garde qu’il n’a cesse de dénoncer. Arroseur maintes fois arrosé dont les propos partout le feraient passer pour ce qu’il est ; partout sauf à Paris, capitale des Trissotin gras, des Précieuses ridicules et des Tintin serviles.

 

Mais l’imbécile à trop vieillir sans repentance devient aussi méchant ; c’est bien connu. Le nôtre n’échappe pas à la règle. Et tandis qu’il se risque à une lecture apoplectique de La Tâche de Philip Roth, il conclut par l’antienne qu’il trimballe partout avec lui comme un étendard : « L’esprit anti-raciste qui souffle sur les campus à l’aube du nouveau millénaire n’est pas le fossoyeur du racisme, il est son héritier ». Comme le précise Robert Solé dans son papier du Monde (28 août dernier), « Un Cœur intelligent est un livre subtil ».

 

Car pour nous faire avaler que les encapuchonnés du KKK s’en sont allés voter Obama comme un seul homme, en effet, il faut un culot immense, une immense indécence ; un sens en effet « subtil » de la loufoquerie. On sait que depuis quelque temps notre berluré national prétend à qui veut l’entendre que l’antiracisme serait une forme (grave) d’antisémitisme. Cette thèse lui sert aujourd’hui de fond de commerce, de barnum philosophique. Et puisque le ridicule ne flingue pas encore sur les trottoirs de Saint-Germain, mon imbécile préféré a cette conclusion grandiose : «Etre homme, c’est confier la mise en forme de son destin à la littérature. Toute la question est de savoir laquelle ».

 

Toujours cette névrose de jugement dernier : c’est sans appel. D’abord, se garder de dire « Etre homme, c’est… » ; par hygiène. Ensuite, préciser que nous avons peut-être passé l’âge de nous prendre pour Fabrice del Dongo ou Emma Bovary ; de voir notre destin comme pure littérature. S’il savait vivre un peu, M. Finkielkraut saurait que ce n’est pas ainsi que se passent les choses. Qu’on ne lit pas exclusivement pour se reconnaître. C’est même le contraire. La littérature est avant tout embarquement. Celle-ci ne peut, stricto sensu, faire l’objet d’un choix préalable. Elle ne construit pas une identité : elle la défait. C’est l’ouvert, c’est un quai, on appareille ; qui peut dire quelle en sera la destination ? Si on le savait on ne partirait pas ; on resterait à terre. Nous voulons les vents de la diversité. Nous voulons les lumières neuves de l’autre homme. Littérature est ravissement : au sens d’un rapt. D’un enlèvement de soi-même pour parvenir vers des réalités dont nous ne soupçonnions pas jusqu’alors l’existence. C’est seulement à travers l’expérience d’une littérature qu’on la connaît pour sienne.

 

Quiconque choisit par principe « sa » littérature pour définir stratégiquement « sa » qualité d’homme est un dogmatique, un fanatique. Il se range du côté des haines et des absolutismes, de ceux qui brûlent les livres « autres » pour ne plus voir que l'idée qu'ils se font d’eux-mêmes. Finkielkraut, s’il n’était cet imbécile, serait un taliban.

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 10:07
Je me garde d'enclore certains êtres, certains lieux, dans les mots, par crainte superstitieuse de leur nuire.
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25 septembre 2009 5 25 /09 /septembre /2009 10:26
Grande journée d'écriture-réécriture-corrections. A la machette. Ca avance, ça avance. Laisser proliférer, puis réduire à l'admissible ; tout en laissant ça et là le texte se confronter à l'inaudible.
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24 septembre 2009 4 24 /09 /septembre /2009 09:32

«Tous les hommes rêvent mais pas de la même façon. Ceux qui rêvent la nuit, dans les recoins poussiéreux de leur esprit, s ʼéveillent le jour et découvrent que leur rêve n ʼétait que vanité. Mais ceux qui rêvent de jour sont dangereux, car ils sont susceptibles, les yeux ouverts, de mettre en oeuvre leur rêve afin de pouvoir le réaliser  »
         
T.E Lawrence



A noter le week-end prochain : 21e Festival des Globe-Trotters à l'Opéra de Massy (91)
http://www.voyageons-autrement.com/festival-globe-trotters-2009.html

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23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 15:31
Un jour je parlerai. Promis. Je dirai tout. Tout ce que me fait subir mon traitement de texte Word sur mon Windows sous XP. Même que vous n'en croirez rien. Vous direz il galège, l'ami. L'a trop bu. Imaginez : vous écrivez. Et tandis que les lignes s'emplissent voilà des fragments de textes qui sautillent allègrement dans tous les coins ou, mieux, disparaissent carrément, un vrai feu d'artifice, à chaque instant. Les phrases se mélangent. Les terminaisons émigrent trois lignes plus haut afin d'achever d'autres mots que les leurs, histoire de rire. Bien sûr c'est un peu fatigant. Il faut veiller au grain. Mais j'ai fini par intégrer ses folies. Par les utiliser. Je les attends au tournant. Maître Breton m'a tout appris. Alors, si mes textes en viennent à perdre toute signification un peu digne de ce nom, au moins, je reste zen. C'est, tout bien considéré, le principal. 
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22 septembre 2009 2 22 /09 /septembre /2009 19:52
La douleur qui t'est propre t'indique aussi une liberté qui n'appartient qu'à toi.
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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 15:11
 Vu sur e-bay : "Lot de 6 jolis romans", mise à prix 6 euros, fin des enchères dans trois jours. Vendeur : Nounette13.

Nounette 13 en a plus dit sur mon livre que toute la critique littéraire réunie. Voyez plutôt : "Un super lot de 6 romans vraiment sublimes où se mêlent la force et la tristesse et la poésie". Que demander de plus ? (Oui, on sait, il faut bien vendre, mais quand même, ça fait toujours plaisir ! )

"Ces romans traversent l'histoire de la poésie tout en gardant le mystère de la réalité et de la fiction".

Soit : Hirondelle avant l'orage de Robert Littell ; Des vents contraires d'Olivier Adam; Nés deux fois de Guiseppe Pontiggia ; Le Voyageur français de votre serviteur ; Le marché des amants de Christine Angot ; En route pour Seattle de Peter Bagge. A défaut d'enrichir mon éditeur, qu'au moins les journalistes arrondissent leurs fins de mois avec la revente de leurs services de presse ! Avoir ainsi contribué à leur rendre la vie moins difficile me ravit. Positivement ! Vive e-bay ! Et merci Nounette 13 !
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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 12:57
Un discours ne vaut peut-être seulement que par la qualité de silence que son absence brutale fait surgir.
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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 10:37

« Tao ko tao feng chang tao. »
Le dire véritablement dire est autre que le dire exprimé.
« Ming ko ming feng chang ming. »
Le mot que l’on peut prononcer n’est pas le mot véritable.

Lao tseu

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