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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 08:21
pour José Santuret

Dans un monde négligent nous tenons des points de vigilance. Quelles que soient les formes que nous donnons à cette résistance, tenir l'écart.

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20 mai 2016 5 20 /05 /mai /2016 15:22

Créoliser la langue.
L'amplifier.
Travail de poète.

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17 mai 2016 2 17 /05 /mai /2016 16:13

On ne fait avancer les choses qu’en se situant de l’autre côté de la limite.

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11 mai 2016 3 11 /05 /mai /2016 10:43

Il pensait que la vie était tragique, mais qu'il ne fallait pas la prendre trop au sérieux.

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11 mai 2016 3 11 /05 /mai /2016 10:40

Qu'est-ce que onze heures moins le quart ?

Qu'est-ce que la présence d'un corps ?

Qu'est-ce que tout ceci ?

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3 mai 2016 2 03 /05 /mai /2016 14:23

J'ai commencé ici dans un bel environnement soigné où j'avais plaisir à déposer des ébauches de textes, des coups de gueule, des copeaux d'atelier, des éclats de vie littéraire.

Depuis la pub est venue polluer cet espace.

Je ne remercie pas Overblog pour cette insulte à la création.

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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 17:27

(D’après Noam Chomsky)

1/ La stratégie de la distraction

Détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes.

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

Exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Autre exemple : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

3/ La stratégie de la progressivité

L’histoire de la grenouille qu’on ne plonge pas dans l’eau bouillante mais dont on fait progressivement bouillir l’eau afin qu’elle ne se débatte pas.

4/ La stratégie du différé

Faire accepter une décision impopulaire, « douloureuse mais nécessaire », dont l’application ne sera effective que dans le futur.

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

Le discours politique, comme celui de la pub, est infantilisant, voire débilitant, afin de susciter chez l’auditeur une acceptation d’enfant dépassé par ce qui lui est proposé.

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

Faire appel à l’émotionnel afin de court-circuiter l’analyse rationnelle et le sens critique des individus. C’est par le registre émotionnel que l’on fait appel aux pulsions, aux peurs…

7/ Maintenir le public dans l’ignorance, l’entretenir dans sa bêtise

8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité et l’inculture sous couvert de cool

9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

L’individu est responsable de son sort, en raison de la faiblesse de ses capacités. Cette culpabilisation va l’entraîner vers un état dépressif, inhibiteur de l’action.

10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Sur cet écart repose sa capacité de contrôle.

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3 mars 2016 4 03 /03 /mars /2016 16:13

Tristes tribunes. Le pépiement étourdi des petites polémiques franco-françaises ont jeté leur médiocre liturgie sur la république des idées, troublant comme toujours la sérénité des débats... Depuis quelques jours la prise de position sur les événements de Cologne de Kamel Daoud fait couler beaucoup d’encre : les pour, les contre. Les pour, surtout. Tous pris mêmement au piège de l’origine pure, du déterminisme géographique, du fantasme de l’irréconciliable de tous avec tous. On avance.

Rappel des faits : la nuit de la saint-Sylvestre 2015 fut à Cologne, mais aussi dans plusieurs autres villes d’Allemagne, le théâtre de violences faites aux femmes, allant jusqu’au viol. « Tous les réfugiés ne sont pas des violeurs, mais tous les violeurs étaient des réfugiés », s’empressa de proclamer l’ubuesque Elisabeth Lévy (Causeur), dont il faudra un jour dénoncer l’insondable bêtise. C’était là le contre-feu populiste à l’accueil par la chancelière Merkel des flots de réfugiés venus de Syrie et de Libye : on vous l’avait bien dit.

Sauf que : renseignements pris, 60% des violences étaient des vols. Sur 58 agresseurs, 55 n’étaient pas des réfugiés. Première faute factuelle : tous les violeurs n’étaient donc pas des réfugiés. Que cela soit dit. L’accueil massif de populations chassées de chez elles par des guerres créées de toutes pièces par l’Occident n’est donc pas en cause. En revanche la majorité des crimes ont été commis par des individus d’origine maghrébine, installés en Allemagne de longue date.

Qu’à cela ne tienne. Le premier argument ayant été contredit par les faits, on va en trouver un second. Par une odieuse généralisation : en racialisant, en essentialisant les crimes commis. C’est Kamel Daoud qui va s’y coller. Sans doute par imprudence. Car on ne doute ici ni de son combat pour la liberté de penser ni de sa lutte en faveur de l’émancipation des femmes musulmanes. Il est tout à fait fondé à écrire par exemple que «le sexe est la plus grande misère dans le monde d'Allah» et de travailler la question en écrivain, en artiste, en libre penseur. Son erreur est ailleurs. Dans la nature des arguments déployés tout au long de sa tribune « Cologne, lieu de fantasmes ». A commencer par ce déni de réalité : « On n’a pas attendu d’identifier les coupables, parce que cela est à peine important dans les jeux d’images et de clichés ». On est d’accord : le propos se situe donc au milieu des clichés, l'écrivain n’est pas là pour en dissiper les aspects caricaturaux mais au contraire pour forcer le trait. Alors en effet autant lire « Causeur » et s’en tenir là. Au moins nous voilà prévenus.

« Cologne, lieu de fantasmes » a paru dans le Monde daté du 31 janvier 2016. Dans ce texte mal écrit, peu construit et irrévocablement mal pensé, l’auteur de « Meursault, contre-enquête » (Actes sud, 2013), par ailleurs sous le coup d’une fatwa prononcée par un imam salafiste qui semble le dédouaner de tout, va tenter d’assimiler constamment réfugiés, immigrés, islamistes radicaux. Criminaliser le réfugié envers lequel, pourtant, les démocraties ont devoir d'assistance. C'est ce devoir qui est ici refusé, voire incompris. Kamel Daoud se fait procureur général pour fustiger la naïveté européenne qui voit en l’autre avant tout « un statut » (de réfugié, d’immigrant) sans s’émouvoir que la culture de cet autre entretient « un rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la liberté ». S’il faut offrir l’asile au corps, dit-il, il faut aussi « convaincre l’âme de changer ». Daoud conditionne ainsi le principe de droit d’asile à celui d’effacement, chez l’immigré, de sa culture originaire. Le demandeur d’asile est avant tout un être à rééduquer. Tournons l’argument comme l’on veut : il est inacceptable. Il pose là un principe en rupture totale avec l’humanisme dont Daoud se réclame pourtant.

Plus loin, il caractérise ainsi l'altérité : « L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir». Comme au plus fort de l’ethnocentrisme, l’Autre est donc avant tout l’essentiel malade, l'affreux, le misérable. L’accueillir consistera donc avant tout à le guérir de lui-même, à le rendre autre qu’il n’est, afin de le transformer en individu « assimilable ».

D’argutie en argutie, la tribune de Kamel Daoud s’achemine vers une seule question qui contient toutes les autres : « Le réfugié est-il donc sauvage ?». On serait consterné à moins, face à cette rhétorique simpliste qui consiste à extrémiser, puis à essentialiser une série de faits divers à toute une civilisation. Au fond, l’écrivain incarne sans doute une forme de haine de soi qui consiste pour un oriental occidentalisé à rejeter l’oriental non occidentalisé, du haut d’un mépris qui n’a rien à envier au colon d’autrefois.

L’Autre, fondamental suspect

Dans les jours qui ont suivi, un collectif d’intellectuels chercheurs (historiens, sociologues, anthropologues, philosophes), dans un texte mesuré intitulé : « Nuit de Cologne : Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés », a tenté d’apporter une critique constructive à la tribune de l'écrivain algérien. Déclenchant tout aussitôt un véritable tir de barrage. « L’auteur recycle les clichés orientalistes les plus éculés, de l’islam religion de mort cher à Ernest Renan (1823-1892) à la psychologie des foules arabes de Gustave Le Bon (1841-1931) », lit-on ; ce qui n’a rien d’insultant. Le collectif s’autorise simplement à énoncer trois failles dans le discours de Daoud : l’essentialisation du musulman au mépris de l’hétérogénéité d’une civilisation de plus d’un milliard d’habitants, défini uniquement dans son rapport à la religion ; la psychologisation qui définit tout musulman (tous sans exception) par une supposée « frustration sexuelle » qui le rend potentiellement prédateur et expliquerait les viols de Cologne ; la rééducation disciplinaire qui serait en quelque sorte la contrepartie nécessaire à l’accueil de l’immigrant, qui par le fait même de son origine autre, serait donc un suspect fondamental.

« Nous nous alarmons de la banalisation des discours racistes affublés des oripeaux d’une pensée humaniste qui ne s’est jamais si mal portée », conclut le collectif. Cette position, qui en temps « normal » aurait dû avoir l’assentiment de tous les démocrates et amis des libertés, a provoqué un tollé. « C’est une fatwa laïque ! », s’est emportée la romancière franco-tunisienne Fawzia Zouari, toute en nuance. Montée au créneau des inévitables Bruckner and Co, mais aussi, plus inattendu, du premier ministre Manuel Valls en personne, qui s’est fendu d’une tribune intitulée « Soutenons Kamel Daoud ». « Les attaques, la hargne inouïe dont Kamel Daoud fait l'objet depuis quelques jours ne peuvent que nous interpeller, nous indigner. Et pour tout dire: nous consterner », écrit le chef du gouvernement, celui-là même qui fustigeait quelques semaines auparavant « la sociologie, culture de l’excuse », avec ses grands airs de duce de sous-préfecture.

Tout tourne encore une fois autour de cette islamophobie décomplexée qu’Elisabeth Badinter a été la première à reconnaître, ouvrant le bal des Fourest, des Finkielkraut... Devra-t-on être sommé de choisir entre la cause des femmes et le refus de l’ethnocentrisme ? Comment faire en sorte de ne rien céder, ni sur l’émancipation des unes, ni sur la nécessaire ouverture à l’autre ? Doit-on être raciste au nom de la liberté ? Doit-on cautionner la lapidation au nom des coutumes locales ? Deux réalités s’entrechoquent : nous sommes confrontés à l’immensité des rencontres migratoires en cours et à venir, et nous sommes conscients de la condition faite à certaines femmes dans la tradition de populations allogènes.

Si la notion de l'Autre à l'époque de la mondialisation prend en effet une dimension nouvelle, une première remarque s'impose. Ce qui est en train de se mettre en place, avec constance, avec systématicité, c’est le renvoi de chaque communauté en une altérité à la fois radicale et irréductible. Si ce mouvement devait se poursuivre, c’en serait alors fini de la concorde, de la compréhension toujours possible. Dans un monde livré comme jamais aux pulsions identitaires, dans une France dont le premier parti politique est à l’extrême-droite de l’échiquier, l’air du temps veut en finir avec le « vivre ensemble ». A en croire la rumeur, l’expression ne serait d’ailleurs plus qu’une forme de bien-pensance boboïdale propre aux gauchos parisiens. Mais que serait le contraire du « vivre ensemble » ? Un « se foutre sur la gueule ensemble » ? Cherchez bien : entre les deux il n’y a rien, et il va bien falloir choisir son camp en arrêtant de se raconter des histoires.

C’est dans ce contexte, et dans nul autre, que Kamel Daoud a publié sa tribune. A y regarder de près, celle-ci entre en résonance avec un autre texte, paru dans L’Obs celui-là, quelques jours auparavant, sous la plume de Slavoj Zizek. Dans « Les mille salopards de Cologne », le philosophe slovène développe une thèse on ne peut plus radicale : il y a chez la brute, le sauvage, en un mot le réfugié, un désir d’Occident frustré. Car Zizek en est convaincu, le moteur du fascisme fondamentalisme est l’envie : « Dans sa haine même de l’Occident, le fondamentalisme reste enraciné dans le désir d’Occident. Nous avons ici affaire au renversement classique, décrit par la psychanalyse, du désir frustré en agressivité ».

Gonflé, le Zizek. Transformer une fuite éperdue sous les bombardements en désir d'Occident, il fallait y penser. Premier objectif, défaire l’argument victimaire : «Nous avons tendance à oublier qu’il n’y a rien de rédimant dans la souffrance: être une victime tout au bas de l’échelle sociale ne fait pas de vous une sorte de voix par excellence de la morale et de la justice ». Salauds de réfugiés, enfoirés de pauvres : « Les réfugiés et les migrants ne doivent donc pas être trop vite identifiés à une sorte de prolétariat nomade, d’avant-garde virtuelle de cette gigantesque masse des laissés-pour-compte du capitalisme global. Les migrants (du moins la majeure partie d’entre eux) ne sont-ils pas ceux qui sont les plus fortement possédés par «le désir d’Occident», les plus fortement enferrés dans la servitude de l’idéologie hégémonique ? ». Bref, des damnés de la terre capitalo-compatibles dont les immenses frustrations déchaînent la haine la plus pure sur le gentil Occident des gentilles classes moyennes.

Tous violents ? Non pas. Mais ces gens-là, voyez-vous, même lorsqu’ils respectent la femme ils ne la respectent pas, ils font semblant : « Il est de bon ton d’affirmer que les réfugiés violents ne sont qu’une minorité et que la grande majorité d’entre eux montre un profond respect pour les femmes. Si cela est bien évidemment vrai, il nous faudrait néanmoins jeter un regard plus attentif sur la structure même de ce respect: quel type de femme est «respecté» ici ? Et qu’est-il attendu de cette femme dans ce respect même ? Et si une femme n’était ici «respectée» qu’à la condition (seulement à la condition) de correspondre à l’idéal d’une servante servile accomplissant sans sourciller ses corvées domestiques, de sorte que son époux aurait le droit d’exploser de fureur à la moindre velléité d’autonomie ? »

S’accorder aux lieux communs véhiculés par le mainstream de la société du spectacle, à laquelle il est vrai il appartient, paraît aussi pour Zizek d'une urgence absolue : « Nos médias opposent généralement les réfugiés appartenant aux classes moyennes «civilisées» et les «barbares» des classes inférieures, qui volent, qui harcèlent les femmes et les violentent, qui défèquent en public, etc. Au lieu de dénigrer tout ce discours en le présentant comme une propagande raciste, nous devrions avoir le courage de discerner un élément de vérité en lui: la brutalité, qui va jusqu’à la cruauté absolue pour les faibles, pour les animaux, les femmes, etc., est un trait caractéristique traditionnel des «classes inférieures» ».

Voilà au moins qui a le mérite d’être clair : le bon vieux poncif des classes moyennes contre les barbares des classes inférieures ou d’origine étrangère, rien de tel pour activer une guerre civile comme on les aime, en haut lieu, afin de s’assurer d’un pouvoir sans limite sur les unes comme sur les autres. Bravo Zizek, merci Daoud.

Radicalisation de l’altérité

Et si Cologne, poursuit le penseur slovène, avait été « comme une rébellion carnavalesque des laissés-pour-compte ? Je ne crois pas qu’il s’agissait simplement pour ces hommes jeunes et affamés de sexe de satisfaire de toute urgence leurs pulsions: cela, ils auraient pu le faire de façon plus discrète, dissimulée. Le plus important pour eux, me semble-t-il, était de donner un spectacle public destiné à installer dans les esprits des sentiments de peur et d’humiliation: les pussies, les chattes des Allemandes des classes privilégiées devaient faire l’expérience d’une douloureuse vulnérabilité », poursuit Zizek avant de porter l’estocade : « Voilà pourquoi les tentatives naïves visant à «éclairer» les immigrants (visant à leur expliquer par exemple que nos mœurs sexuelles sont différentes, qu’une femme marchant tout sourire dans la rue en mini-jupe n’invite pas ce faisant à un rapport sexuel, etc.) sont d’une impressionnante bêtise. Ils savent très bien tout cela, et c’est précisément pourquoi ils agissent ainsi. Ils savent parfaitement que ce qu’ils font est radicalement étranger à notre culture, et ils le font dans le but précis de blesser nos sensibilités. Voilà pourquoi nous devons contribuer à ce que change cette posture faite d’envie et d’agressivité vengeresse, et non pas leur enseigner ce qu’ils savent déjà parfaitement ». L'immigrant est viscéralement mauvais. Son but unique étant de blesser nos délicates sensibilités il est littéralement inéducable...

Cette altérité est donc sans rémission possible. Elle s’avère radicale. Rédhibitoire. Impossible à amender, à instruire. La rééducation disciplinaire lui paraît, à lui Zizek, parfaitement inopérante. Nous devons « changer cette posture » chez l'autre sans chercher à le convaincre. Par la force, donc. Par la contrainte.

« Si des demandeurs d'asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions, il s'agit d'une éclatante trahison des valeurs de l'hospitalité et cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne », s’est récemment réjoui Andreas Scheuer, secrétaire général de la CSU (parti conservateur bavarois). Le syndrome de Cologne a permis à la société occidentale de se défausser de son propre sexisme et de ses propres débordements tout en justifiant l'exclusion, la violence et l'incurie dont sont trop souvent victimes les migrants. Et plus encore : il a transformé l’opprimé un oppresseur. Créant un climat propice à davantage de répression pour le faible, à davantage de puissance pour le fort. Sous nos yeux s’organisent tous les éléments d’une guerre civile, larvée ou effective, entre les différents groupes sociaux, autochtones ou allogènes, dont la relégation est de toute façon déjà programmée par un niveau d’inégalité désormais incompatible avec la poursuite du projet démocratique.

Dans cette bataille qui transforme le féminisme en cheval de Troie du racisme ordinaire, l’oriental occidentalisé en supplétif du colonialisme et l’humaniste en figure du passé, le citoyen en vient à oublier d’où vient la pestilence de ce temps. La pestilence de ce temps, elle est dans ce retour de la férocité imposé par le capitalisme hors-la-loi de la dérégulation et de la pléonexie ; elle est dans cette mondialisation qui exacerbe les pulsions identitaires et l’horreur de l’altérité ; elle est dans cet affaiblissement de l’Etat-nation qui fait place aux maffias et aux fascismes qui se nourrissent de ses désertions. L’horizon de la modernité et du progrès se confond aujourd’hui avec une logique d’Ancien Régime, de restauration. Dans ce contexte, la seule chance de survivre à pareil couvre-feu est de nouer de nouvelles alliances avec les hommes et les femmes du lointain avec lesquels nous saurons enfin inverser la courbe de la haine, à seule fin de jeter les bases d’un commun planétaire reposant avant tout sur la fraternité. Entre assimilation et altérité radicale, il est temps d'inventer la troisième voie.

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 18:11

L’imposture est ce qui caractérise le tournant de millénaire. Imposture que la fin de l’Histoire et de la Cité post-politique. Imposture que la guerre de civilisation. Imposture que le Nouvel ordre mondial. Imposture que la nationalisation des dettes privées pour sauver les intérêts de la finance mondiale et la crédibilité de l’idéologie ultralibérale. Imposture que l’été grec 2015 où la Communauté européenne a défait la démocratie. Imposture d’un traité transatlantique que les députés européens doivent voter les yeux fermés sans le lire. Imposture que le régime d’exception devenu permanent au nom d’une bien improbable sécurité …

Un nouvel agencement de pensée s’organise, autrement que nous aurions cru. Ce nouvel agencement se caractérise non par l’accroissement des libertés et des possibles, mais par la mise à vue du clivage : du pur rapport de forces entre les désirs des individus et les projets de leurs édiles. C’est toute la philosophie du contrat social qui s’achève ; si tant est qu’elle ait jamais existée. Mais qu’est-ce que signale et signifie une société post-contractuelle ? Qu’est-ce que veut dire n’avoir plus rien de commun avec l’Etat, sinon la guerre civile ou la révolution

L’Etat était naguère l’objet d’une attente, et d’un respect instinctif. Le sujet était supposé avoir négocié son allégeance à l’Etat contre des droits. Ce qui nous saisit aujourd’hui, c’est l’intuition que cet horizon de droit, bousculé par la concaténation de ces impostures, a pris brutalement fin. Mais alors, si le droit n’est plus l’horizon, que devient la promesse de l’Etat ? Y at-il encore quelque chose à promettre ? Comment qualifier un Etat qui réduit les droits (à la liberté, à la santé, à l’éducation, au bonheur) et ne promet plus rien ? Une technostructure coupée de la société poursuit des buts que le peuple ne partage plus – ne peut plus partager : c’est un coup d’Etat.

On sentait bien, confusément, que quelque chose n’allait pas. Qu’entre la promesse et la réalité la relation se relâchait de plus en plus. Qu’on ne marchait plus qu’à coup de symboles, à tisonner de vieux discours recuits, à coup de commémorations vide de sens.

Ce qui n’était jusque-là qu’un évitement organisé de la pensée – la société du spectacle et du déficit attentionnel y pourvoyant - est devenu désormais une interdiction formelle de s’opposer. Du moins y aurons-nous gagné en clarté. Car cette fois l’opposition est devenue visible. Il y a l’Etat, réduit à sa police et à sa surveillance. Il y a un peuple ; je ne dis pas tout le peuple, mais une partie du peuple, qui pose pour vitale l’exigence de l’autre, de l’alter, de l’alternative. Un peuple qui dit à l’Etat : OK, fais ce que bon te semble, désormais je m’écarte de toi, je vais essayer autre chose. C’est là où le principe de l’Etat rattrape le citoyen frondeur qui, de bonne foi, pensait qu’il était légitime de faire usage de ce droit de retrait, de retranchement, d’écart, de départ. C’est là où l’Etat dit : « Non, tu rentres dans le rang, avec les autres ». Cette immobilisation autoritaire est d’une insupportable violence, une violence qui apparaîtra de plus en plus violente. Où se dévoile la nature même du pouvoir, son essence, en tant qu’il est une instance de souveraineté qui ne se pense que dans l’absolu de ses prérogatives.

La forme de l’Etat ne se comprend vis-à-vis du citoyen que dans un rapport d’asservissement total. L’Etat-social se retire. Se défait la société. Le lien. L’expérience du commun. Et la démocratie ? Mais elle n’était que cela : l’Etat-social, l’Etat faisant commun et société. Perdre l’un, c’est toujours perdre l’autre. Le voilà donc passé de l’injonction « désire-moi » à l’injonction «obéis-moi ». Le contrôle par la pulsion fait place au contrôle par la violence. Là où cesse la propagande revient la schlague. Il n’a au fond jamais été question d’autre chose que de cela, même quand on nous parlait de Révolution française, même quand on évoquait devant nous les Lumières.

De sorte que nous voilà contemporains d’une double révélation : le pouvoir n’élabore sa puissance qu’au détriment du citoyen et de la démocratie au sens vrai du terme. Et ce n’est que par ruse qu’il a pu se réclamer un court moment du bonheur et de l’émancipation du peuple. Ce qui a été mis à vue est à la fois la nature même du pouvoir et la rouerie méthodique avec laquelle il manipule les foules.

Cette clarté qui nous revient nous révèle nos chaînes. Chaînes jamais brisées. Depuis cette base c’est toute la montagne qui est à nouveau à gravir. Un refus inconditionnel est seul susceptible de restaurer notre souveraineté. Mais alors c’est la guerre.

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29 janvier 2016 5 29 /01 /janvier /2016 08:51

La croyance la plus tenace en nous est cette certitude selon laquelle ce qui ne s'est encore jamais produit ne se produira jamais. C'est le dogme de la course à l'abîme sans abîme. Pouvons-nous survivre à ça ?

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