Mondialisation, fragmentation. Dérégulation. Finance et marchandise passent d’une main à l’autre en une fraction de seconde. Planète une, sans frontière ? Non. Replis sur les particularismes. Régionalisme de l’esprit. La préférence communautaire est pourtant, toujours et en tout
lieu, le signe avant-coureur du totalitarisme.
Celui dont on ne partage ni les croyances, ni les coutumes, ni les manières. L’étranger. L’autre. Rêve d’une langue oublieuse de ces mots-là.
C’est pourtant par ces mêmes mots que la plupart commencent.
Apartheid. Ségrégation. Conflit de civilisation. Identité nationale. Montrer à l’autre le seuil à ne pas franchir. Suspendre le pas
de l’homme. Je préfère mon frère à mon cousin, mon cousin à mon voisin… On connaît la chanson.
Insertion ? Infiltration. Quoi qu’il fasse, l’autre a toujours tort. Sa présence est menace. Il est le surnuméraire. Celui qui
surgit. L’inattendu. Ce qu’on lui reproche ? D’être là. D’être né. Inexcusable. Comment peut-on être Persan ?
La Communauté des affections. C’est ainsi que Saint-Just décrivait la nation. Ni sang ni sol. L’affection.
« Il n’y a pas de culture ni de lien social sans un principe d’hospitalité », dit Jacques Derrida. « Un accueil sans réserve et sans calcul » ; « Une exposition sans limite à l’arrivant », dit-il encore.
L’étranger ne trahit pas la frontière ; la désignant, il la repousse. Ouvre ce champ du possible que sa seule présence
réensemence. Il ne tient qu’à toi d’y moissonner.