L'oeuvre au sens fort n'est opérante que de l'écart qu'elle institue avec l'ordre du marché; mais ce faisant elle devient impossible.
Faire oeuvre aujourd'hui c'est avant tout faire silence.
L'oeuvre au sens fort n'est opérante que de l'écart qu'elle institue avec l'ordre du marché; mais ce faisant elle devient impossible.
Faire oeuvre aujourd'hui c'est avant tout faire silence.
"Est-ce que l'Art vous fait peur ?"
C'est sur ces mots-là que je quittai l'Université.
Je les retourne aujourd'hui :
aux lecteurs
aux éditeurs
"Est-ce que l'Art vous fait peur ?"
On écrit toujours depuis ce petit quelque part que l'écrire constitue.
Comment poursuivre, ne pas arracher la page. Comment ne pas entendre, là, dehors. Et je ferais des vers ? Et je tiendrais des propos "littéraires" du ton léger de la baderne ? Aujourd'hui même la liberté du poème me semble insupportable. Si au moins l'on pouvait dire : OK, pouce, je ne joue plus, je file voir là-bas si j'y suis. Ailleurs, reconstruire ? Il n'y a pas d'ailleurs. Tout est là. Tout est combat.
La bureaucratie a fait un pacte avec le marché pour dissoudre tout ce qui nous était commun. Le technocrate abat dans l'ombre, silencieux vissé sur armes automatiques, le démocrate d'autrefois. La banque promet le tank. Nous sommes pris en tenaille par l'immensité de ce qui nous menace et notre veulerie sagement apprise sous des années de résignation. Consommés par notre propre consommation, nous n'avons rien vu venir.
Alors quoi, poète bureaucrate peut-être ? Un bonheur triste, collaborationniste ?
Pose la plume. Sonne l'alarme. Il n'est plus temps pour la beauté.
La folie consiste à voir des signes partout. Une inflation de signes. Dans la réalité, c'est le contraire, rien ne fait signe. Rien ne nous fait signe. Même si tout nous regarde. Le monde, fondamentalement, est muet. Entrer de plein pied dans ce silence-là et savoir en jouir, tel est ce que je nomme sagesse.
Gérard Larnac, 22 juin 2015.
Mon éditeur préféré, c'est celui qui saura préférer un grand livre bien raté à un petit livre réussi.
Tenez vos talents secrets, ne les exploitez pas au nom d'une vaine reconnaissance, qu'ils ensemencent la vie et ne deviennent jamais ces objets morts enfermés dans la tragique vitrine des vanités.
Sans bruit
rejoindre
le but ultime
Il faut cesser de considérer l'écrivain comme un cabot qui voudrait "s'exprimer", délivrer son message. Non, je n'écris pas pour autrui. J'écris pour approfondir mon compagnonnage avec ce monde et tous les autres.