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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 14:56

De l’avis de Claudine Haroche, sociologue au CNRS et initiatrice du Colloque « Voir, être vu », « la visibilité est aujourd’hui un thème émergent. Le terme revient aujourd’hui de façon récurrente dans le débat public». Telle est en effet la loi de notre société de la communication : que ce soit une entreprise ou une personnalité, il faut se rendre visible pour exister. L’ensemble des pratiques sociales connaissent à présent les exigences souvent paradoxales de l’hypermédiatisation permanente. TV réalité, psy-show, blogs, web-cam… Chacun, désormais, s’expose à l’infini miroitement du regard public, dans un rapport aux autres qui s’origine avant tout dans la spectacularisation de soi. Une société de l’exhibition permanente est en train de se mettre en place. Etre invisible, aujourd’hui, c’est être insignifiant, voire inexistant.

 

Au XIXe siècle, dans la bonne société occidentale, il était au contraire d’usage de taire l’intime (apparition de la notion de pudeur). Il s’agissait alors d’une réaction de rejet contre le siècle des Lumières, révolutionnaire, et son pathos volontiers affiché. La manifestation publique des larmes, notamment, devient signe de faiblesse, voire de vulgarité. Dans les années 60 se développe le souci de présentation de soi, et les stratégies qui l’accompagnent. Les média, omniprésents, le culte de la mode, les technologies nouvelles, concourent à une production continue et infinie de soi.

 

Cette visibilité aurait en elle-même sa propre valeur : elle ne renvoie pas à ce que l’individu fait, à ses pratiques, ses compétences, ses actes, ses vertus, mais à ce qu’il montre de lui. Cette injonction à la visibilité réduirait ainsi l’individu à ses seules apparences, dans la négation de son for intérieur.

 

Cette exigence de visibilité affecte désormais l’ensemble des interactions sociales : nos modes d’existence, de pensée, de formes de travail, de type de société ; nos façons de nous lier, de percevoir.

 

Autrefois la reconnaissance se traduisait par une certaine visibilité publique. La seconde était la conséquence de la première. Désormais la visibilité vaut reconnaissance. Il y a stricte identité entre les deux termes. Reconnu parce que connu, à l’image des fameux locataires du Loft, dont le seul mérite consistait à apparaître.

 

L’échelle sociale est d’abord et avant tout une échelle de visibilité. Il en a toujours été ainsi. C’est le rôle de l’apparat. Le monarque est regardé par tous – lui ne regarde personne. C’est tout le leurre actuel de l’hypervisibilité du temps médiatique : chacun, selon la célèbre phrase de Warhol, peut devenir ce monarque en visibilité, mais un monarque réduit à son quart d’heure américain. Après, il faut laisser la place. La visibilité médiatique est par conséquent une fausse visibilité, en ce qu’elle substitue au désir d’éternité de la royale présentification l’éphémère, et donc la disparition. Elle défait la promesse sacrée de l’apparat. Au président Sarkozy il a été reproché d’avoir frayé avec l’apparat médiatique, pauvre symboliquement, indigne de sa charge régalienne, en ce qu’il est éphémère, terrestre, sans ouverture aucune à l’invisibilité et à la transcendance qui seules fondent aux yeux du peuple la légitimité du pouvoir. Du coup, chute libre dans les sondages : désacralisée, la visibilité traditionnelle du monarque. La visibilité médiatique s’inscrit en rupture avec la visibilité sacralisée du Pouvoir parce qu’elle se donne, précisément, comme totalité.

 

« L’homme vit dans le monde qu’a construit son regard. Les supports d’identification n’existent plus qu’en vertu de l’image, se débarrassant de leurs repères traditionnels, actes, paroles, intériorité… L’émotion, en laquelle le moi se dilue, remplace désormais le sens. Nous sommes face à une vague promesse de possession intégrale et incestueuse du monde », explique Jacqueline Barus-Michel (Université Paris 7). «Avec l’image nous revivons l’aventure de la parole, de la langue, de l’écriture. Espérons que nous nous en sortirons aussi bien ».

 

La survisibilité ne pose pas de problème en soi (sauf lorsqu’elle est marqueur d’exclusion : étoile jaune). Mais il faut se demander à la place de quoi se donne cette visibilité obsessionnelle. Qu’est-ce qui disparaît lorsque la logique de l’hypervisible s’impose à tous ? Quel est cet invisible qui ne peut plus, dès lors, apparaître ou même se laisser deviner ? Le pouvoir, par exemple, ne se montre que pour mieux cacher ce qu’il fait réellement. Devenu compulsif, le visible se transforme en une catégorie de l’aveuglement.

 
« Cette incitation permanente à se transformer en image pour exister marque le rétrécissement de l’espace intérieur, voire son annulation. C’est une négation de l’intériorité, des dimensions non visible de la personne », constate Claudine Haroche. Certains voient comme raison de l’opacité du monde la division du travail. L’ouvrier devient incapable de se représenter le produit dans son entier. Plus l’appareil se complique, moins on voit. On s’en réfère alors à une représentation, dans une superficialité aliénante. Le monde s’opacifie, tandis que l’individu devient transparent. « L’injonction à la visibilité révèle l’aliénation de soi et met en cause la capacité de réflexion, conduisant à la soumission, à l’effacement de soi ».

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9 juin 2008 1 09 /06 /juin /2008 16:49

Revenir à soi : quel voyage !
Mais voilà qu'on approche :
la demeure est vide.

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 20:16

En prolongement aux interrogations qui ont été les miennes pour mon bouquin Le Regard échangé, j'assiste en ce moment à un intéressant colloque sur "l'injonction à la visibilité dans les sociétés contemporaines". En marge de mes notes du matin cette réflexion perso : "L'échelle sociale est une échelle de visibilité. Il en a toujours été ainsi. C'est par exemple le rôle de l'apparât. Le monarque est regardé par tous, quand lui ne regarde personne. Il y a un leurre dans l'hypervisibilité médiatique actuelle : chacun, selon Warhol, peut devenir certes ce monarque en visibilité, mais un monarque réduit à son quart d'heure américain. Après, il faut qu'il laisse la place. La visibilité médiatique défait la promesse sacrée de l'apparât, car elle substitue au désir d'éternité l'éphémère - et donc la disparition. A Sarko le monarque il est reproché de frayer avec l'apparât médiatique parce que ce dernier est pauvre symboliquement, indigne de sa charge, inapte à sanctuariser le Pouvoir dans sa promesse d'éternité. La visibilité médiatique s'inscrit en rupture avec la visibilité sacrée du Pouvoir. Le peuple ne s'y trompe pas ; et sanctionne aussitôt le monarque d'avoir ainsi désacralisé la visibilité du Pouvoir".
  

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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 15:12

Si un homme portant la liberté sur ses épaules venait à toi, le déchargerais-tu de son fardeau, en prendrais-tu ta part ?

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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 19:06
Chair : cet entrelacement infini qui me lie à la totalité ouverte du tout autre.
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4 mai 2008 7 04 /05 /mai /2008 17:35

Routes d'avril
soleil glacial
étreindre calme ce chaos

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22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 10:56

s'il ne reste au fond tout au fond du lit asséché d'une rivière morte qu'une pierre fracassée s'il ne reste au fond tout au fond de l'espace qu'un peu de cette lumière même si faiblement s'il ne reste qu'un mot rien qu'un mot après le temps des hommes même un mot jamais dit alors oui quelque chose de nous reviendra y sourire.

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16 avril 2008 3 16 /04 /avril /2008 10:51

Lorsque le temps est prêt pour une idée, alors il y a cette chose que rien ne peut plus arrêter, qui déferle ; cette chose qui ne tient ni au temps ni à l’idée, mais à la transcendance de l’un par l’autre. Ainsi sans doute fut ce « mai 68 » qui, comme tout moment de cristallisation historique, est d’abord l’histoire personnelle de tous ceux qui ont participé à l’élan du collectif. Sans en faire la somme, bien sûr. Ce quelque chose en plus, au-delà de soi même – mais qui est soi-même plus intensément encore.

68 en mai, c’est un souvenir d’enfant, vague. Je revois ce jeune homme, exalté par son propre récit, qui passait de temps en temps dîner à la maison. Nos pères étaient en relation de travail me semble-t-il, et ce fils de bonne famille, entre A.G, distribution de tracts, occupations de fac et bataille de rue, venait régulièrement se refaire une santé autour d’un vrai repas familial.
La beauté de la langue quand elle s’enflamme, l’ivresse du récit, l’élan de l’enthousiasme : certains soirs Dionysos entrait avec cet insurgé de mai, déposant tout au fond de l’enfant émerveillé que j’étais une soif que rien, jamais, ne parviendrait à étancher. Soif de plus libre, soif de plus loin, soif d’autrement. Inépuisable cadeau de mai. Je n’aime la rébellion qu’ainsi : à l’état sauvage. On ne brise pas l’enclos par volonté ni par calcul, mais parce que votre nature profonde vous y pousse.

Puis les magies de mai furent dispersées au vent du réalisme. L’automne apporta le cynisme. Les gens raisonnables, les gens « bien comme il faut », reprirent le contrôle, d’abord hésitants, puis définitivement rassurés. Les meilleurs de mai finirent suicidés, ou allèrent s’enfermer dans des ashrams.
Au tournant des années 70, j’ai huit, neuf ans peut-être, on me retrouve beaucoup dans les caves où la jeunesse du quartier organise ses fêtes stromboscopiques style San Francisco, résonance lointaine du Fillmore (feel more) et des acid tests de Ken Kesey. Le plus souvent il fait noir, ça sent bon l’herbe grillée, de longues jambes sorties de ces extraordinaires minijupes me frôlent sans se soucier de ma présence, dansant extatiquement au rythme des Mungo Jerry, des Grateful Dead, des Who, des Rolling Stones. Des fois moi aussi j’ai envie de péter les plombs ; alors, profitant de l’obscurité, d’un coup je débranche la sono, toutes les poses s’écroulent et ne riment plus à rien, tout le monde se met à gueuler, on me course of course, je file me percher dans ma cabane en haut de mon arbre favoris et je regarde de haut tout ce petit monde bigarré se demander où diable j’ai bien pu passer. Et je refais le coup, bien sûr, trois, quatre fois, trop fier de mon petit effet, tout au long de ces après-midi de rêve où se mêlent si bien la beauté sidérante de cette jeunesse que j’admire, sa rage contre moi, mon cœur qui bat si fort, cette musique, ces parfums, mes éclats de rire silencieux en haut de l’arbre.

Après la génération 68 il ne nous restera, à nous, les suivants, qu’un peu de drogue, un peu de drague, le parfum de robes gitanes juste avant qu’elles ne passent de mode, et la lourdeur des longues chevelures quand on les relève avec mille précautions sur le visage grave d’une fille – avant que les stupides années 80 ne coupent tout ça au carré. Et puis cette idée que la vie est une expérience de tous les instants – tout voir, tout vivre, il sera toujours temps de trier après. Après : quand on sera mort, ou, ce qui revient au même, quand on sera vieux, c’est-à-dire passé 25 ans.

Lorsqu’au sortir de l’enfance, vers 1976, je devins à peu près contemporain de moi-même, ado perdu redescendu de mon arbre, j’assistai, en compagnie de trois amis punks anglais, à la projection du film de Scorsese « The Last Waltz ». On a dit que ce film sur le concert d’adieu du Band marquait du même coup l’adieu aux années 70. Quelque chose était irrémédiablement terminé. Impression d’arriver juste après fermeture. Malgré tout, ces années 70, j’en ai senti passer le souffle chaud sur moi. Mes narines en retiennent les parfums, et ces musiques remplissent toujours mon univers. C’était un souffle profond ; inspirant. Non comme une mode passagère : comme un continent aperçu.

Je me dis qu’un jour, quelqu’un viendra qui, à travers tout le folklore sociétal et les simagrées politiques dont on les a recouverte, saura découvrir le code, la pierre de Rosette qui lui permettra de déchiffrer le message secret dont ces années-là étaient porteuses en silence.

 

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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 20:19

Libres de moeurs
 et de pensées,
les oasis,
de cette liberté échangeuse 
propre à ceux qui voyagent 
qui viennent un moment
se désaltérer
à la coupe de leur main
 et puis repartent
d'un air rêveur
étrangement.

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5 avril 2008 6 05 /04 /avril /2008 09:03
 Tu en as fini désormais d'écouter les grands professeurs, d'admirer les grands poètes, de déambuler d'un air faussement convaincu dans les allées du "salon du livre". Ce que tu cherches est sans prestige : un certain dehors. Et les traces qui accidentellement s'y manifestent ça et là.
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