L’autre littérature. L’expression m’est venue en lisant Antoine Volodine, que je ne découvre vraiment qu’en ce moment, après
raid massif sur les librairies. Pas une avant-garde, dit-il, une « xénolittérature », « une littérature étrangère ». Une écriture de combat. Echapper à l’ennemi c’est
subvertir le réel, qu’il entend comme dispositif carcéral, empêchement de toute dissidence. Pour ce faire il met en œuvre un bataillon d’hétéronymes, à la Pessoa, invente son propre appareil
critique (à l’aide de concept comme « apnée narrative », « surnarrateur »…) et nomme son mouvement solitaire et peuplé : Post-exotisme. Non pas seulement échapper aux
écritures officielles, mais sortir de l’ennui mortifère des lectures officielles – de l’œil convenu au regard mort que l’ère du vide divertissant a placardé sur les faces.
L’œuvre de Volodine, c’est la toute première expression, ni collaborationniste ni repentante, de l’ère post-utopique. Le monde littéraire est un quartier de haute sécurité. L’espoir, dans
tout ce noir, ce n’est plus ce que dit la voix – mais le simple fait qu’une telle voix y persiste. Parole carcérale, incarcérée, décarcérée par son être même, paroles d’entre murs, de cellule à
cellule. Tintamarre de gamelles contre les barreaux – comme une rumeur pré-insurrectionnelle qui enfle.
A lire : Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, d’Antoine Volodine (Gallimard, 2008).