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24 février 2008 7 24 /02 /février /2008 19:11

Je me suis toujours dit que l’œuvre en cours de François Bon entrait de biais dans ma propre galaxie, en douce, sans trop savoir comment elle s'y prenait. Seulement ça : à un moment elle est là. Qui requiert toute l’attention. Totale complicité avec Mécanique, pour casser la machinerie émotive ritualisée. Avec Paysage Fer, le livre dont au fond on a tous rêvé sans oser y aller franco : succession de tous les détails vus de la fenêtre du Paris-Reims, récit d’un catalogue, d’une liste qui soudain s’anime et prend vie – au plus près du flot de réalité lorsqu’elle se fait conscience des choses. Avec juste la vie qui se faufile comme elle peut dans les interstices, les marges. Phrasé tout en retenu, comme dit d’une voix blanche. Totale amitié pour Deawoo, Rolling Stones, Dylan. Mais avec Impatience (Minuit, 1998), plus. Beaucoup plus. On pourrait dire Pérec, on pourrait dire Koltès, mais non, c’est autre chose encore. Qui n’avait pas vraiment été fait avant. La recherche de cette phrase plus exigeante, ni récit ni théâtre ni poème et tout ça à la fois, conforme à la dynamique de ce temps, à ces bâtis incompréhensibles, toute cette illisibilité qui fait désormais le plus (et le moins) clair de notre quotidien parce qu’elle échappe aux catégories de l’œil, de la sensation, de la conscience humaine. Ce point de bascule où la raison produit une absolue irrationalité : la ville hypermoderne. Voilà une écriture qui devient une expérience en soi. Sans l’aspect clinique du laboratoire. Sans l’inanité des écrivains du minuscule. On capte des bouts, ça et là. On voit comment ça tient. Ou ne tient pas. Comment cet inlassable rapetassage, quasi maniaque, fait récit. Comment tout ça finit, quand même, par faire sens. Comment ça fait route. Ce qui compte : ce « déplacement ». Impatience est un de ces grands textes où se glisse, à l’improviste, tout ce que ce temps a à nous dire. Ils ne sont pas si nombreux ceux qui réussissent de tels livres. Urgent. Lire François Bon.  

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commentaires

Y
Tout à fait d'accord... Mon éditeur est pour pour moi un deuxième père
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G
Le métier d'éditeur, ce n'est pas d'imprimer du papier, mais permettre l'accès du public à un livre. Tout autre pratique relève du charlanatisme. Le compte-d'auteur, à l'époque du livre numérique (où chacun peut devenir, s'il le désire, son propre imprimeur), je ne comprends même pas que ça existe encore !
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Y
Oui, mais je crois aussi qu'il faut être soutenu et défendu par un VRAI éditeur, passionné, et qui fait tout pour diffuser, promouvoir nos livres, c'est très important, la relation auteur-éditeur, puis libraire-lecteur, parce que je ne crois pas au "compte d'auteur", c'est une véritable escroquerie, je vomis ces gens, littéralement.
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G
100% d'accord. C'est bien la raison pour laquelle je fais l'éloge des auteurs qui se foutent totalement d'un tel système, rustines comprises. Mes meilleurs lecteurs ont été les tziganes du temps où mes textes circulaient de terrain en terrain...
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Y
les librairies indépendantes (les vrais libraires j'entends) sont bouffées par les cultura et autres grandes surfaces du livres industriel...<br /> <br /> voici un extrait d'une interview du créateur le Lekti-ecriture, Joël Faucilhon, oui je sais, j'en parle pas mal, c'est un ami, et ce qu'il accomplit est vraiment fort... L'avenir s'annonce alternatif...<br /> <br /> "Ce que beaucoup appellent désormais la « crise du livre » a des origines multiples, et il serait prétentieux de croire que nous pouvons aborder un sujet aussi vaste en quelques paragraphes. Mais nous pouvons établir tout de même quelques jalons, et explorer quelques pistes d'études.<br /> Tout d'abord, nous pourrions dire que nous ne sommes pas en face d'une crise « de la chose imprimée », puisque le volume de titres publiés est considérable, en hausse chaque année. Mais derrière cette apparente vitalité se cache de profonds malaises, des déséquilibres qui prennent rapidement de l'ampleur.<br /> Le monde du livre connaît de profondes mutations, dont la plus évidente est l'hyper concentration – toujours en cours – des maisons d'édition au sein de grandes structures industrielles de type capitaliste, dans sa forme la plus sauvage. Hachette, le groupe La Martinière et Wendel Investissements sont devenus les premiers éditeurs français. Or, dans ces groupes, ceux qui font les livres ne sont plus des éditeurs, au sens traditionnel du terme, mais des équipes commerciales adossés à des chargés de communication, qui jugent le texte en fonction de sa capacité à s'écouler très rapidement dans les tuyaux de la distribution, aidés en cela par des plans média particulièrement élaborés. D'où la vogue actuelle, par exemple, des livres de confessions de star ou de personnalités people, qui ne se dément pas. Ces livres bénéficient d'une couverture médiatique très large, assurent des retours sur investissements rapides pour les grands groupes industriels, mais ne présentent évidemment aucun intérêt, du point de vue littéraire ou artistique. Le capitalisme est rentré en force dans le monde fragile du livre, ces dernières années. Ernest-Antoine Seillière, à la tête de Wendel Investissements et second éditeur en France, peut affirmer avec tranquillité dans un journal comme Les Echos que son principal objectif est de faire passer la rentabilité du groupe d'édition qu'il a racheté en 2004, Editis, de 6 à 20%.<br /> Face à ces groupes dont la force de frappe est considérable, les éditeurs indépendants disposent de moyens limités qui ne leur permettent pas d'atteindre le grand public, de porter leur travail à la connaissance des lecteurs. D'autant que les librairies, alliés naturels et essentiels des éditeurs indépendants, deviennent minoritaires dans la vente du livre. Selon les chiffres du Centre National du Livre, dans un rapport mis à jour chaque année, les librairies ne vendent plus qu'un livre sur cinq, en France. Les grandes surfaces, les superstores culturels et maintenant l'Internet, concurrencent de manière parfois dramatique les librairies françaises. Il s'agit là d'une tendance lourde, particulièrement inquiétante.
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