Vous êtes écrivain ? Vous recherchez un succès littéraire ? Avec votre tronche rien qu’à vous en penseur de Rodin dans tous les Relay H et, qui sait, dans les talk-shows des amuseurs télévisés ? Prenez un bon gros sujet bien dramatique, gros titre surmédiatisé de l’actualité récente. Inventez un héros issu d’une minorité notoirement victimisée (vous avez le choix, le mieux étant un Noir Juif Homo et Communiste). Traitez votre sujet l’air de rien, « sans pathos », comme psittacisent les gazettes : petites phrases sèches comme des coups de triques. Amorcez un scandale (un scandale, pas un débat – on se souvient que c’est un procès avec un camp naturiste qui lança la carrière de Houellebecq !!), soyez badin, léger, « plein d’humour » et de clins d’œil faciles à capter (des clins d’œil, pas des références, n’allez pas surcharger, parlez comme Sarko de Chimène Badie et de Marc Lévy, pas de Steve Reich et de Gilles Deleuze). Evitez le style. Le style c’est l’homme. Ici il n’est plus question d’homme, mais de marketing, de « mass market », de « plan média ». Bref renoncez à toutes les raisons que vous aviez d’être écrivain. Le succès ne viendra pas de la singularité de votre voix (L’écart ? La marge ? La nouveauté ? Vous ne seriez pas suivi) mais au contraire de votre capacité à faire croire que vous êtes « comme tout le monde ». Ecrivez donc le roman de « tout le monde ». Avec juste ce petit élancement au fond de l'âme qui vous vient de votre propre résignation.