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7 juin 2010 1 07 /06 /juin /2010 09:31

La structure littéraire insolite, comme la phrase énigmatique qui par son aspect frappant détourne le flux de conscience de son cours habituel, contraint le lecteur à faire lui-même le mélange des couleurs. C'est pourquoi un texte digne de ce nom ne peut avancer que par empêchements successifs vis-à-vis des vieilles recettes (récit unidirectionnel, point de vue, etc) ; par ruptures, dérivations, élipses, digressions, tags surréalistes, jeu cubiste du dehors et du dedans, prolifération sauvage de l'inédit. Il est ce qui avant lui n'avait jamais été.

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28 mai 2010 5 28 /05 /mai /2010 07:38

Je me souviens de ce vieil homme rencontré dans la gare de Huê, lors de mon premier séjour au Vietnam. Il ressemblait à l'oncle Ho. Comprenant que nous étions français, il s'était approché de nous afin de nous déclamer de longues tirades de Victor Hugo sur un ton impeccable - ce dont nous aurions été bien incapables. Ce français si longtemps interdit... Je restai stupéfait devant ce paradoxe : le français était la langue envahissante de l'ancien maître, il était aussi la langue de la liberté et de la poésie. 

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 11:30

Je ne sais pas ce que Freud, ou Michel Onfray, en diraient, mais il vient de m'arriver un très beau lapsus, et je veux en garder trace. Le docteur me demandant ma "carte vitale", me voilà sans hésiter qui fouille dans ma poche et lui tend... "Poésie Africaine" - Anthologie de six poètes d'Afrique francophone - choix et présentation par Alain Mabanckou. Vitale poésie, décidément.

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 07:53

Inclassable, à contre-courant : ce premier roman aura donc été un échec. Peu vendu, jamais chroniqué. Un échec ? Allons donc : j'aurais eu le luxe inouï de n'en faire qu'à ma tête, d'aller au bout de ma route, dans un monde éditorial pourtant peu enclin à la prise de risque - et j'en reste reconnaissant à l'éditeur, Les Editions de l'Aube. Et puis les lecteurs, ces imprévus magnifiques, avec leur passion, leur vision des choses : bienheureuse dépossession du travail d'écriture, bienheureux voyage d'un esprit à un autre, quand le texte pour ainsi dire change de propriétaire. Qu'ils aient été peu nombreux n'est rien ;  la joie de ces mots échangés compense tout (écrivant cela, je pense surtout à l'accueil extraordinaire que m'ont réservé les lecteurs de Draveil à l'automne dernier). Comprendre que le livre n'existe au fond qu'ainsi, dans le regard de l'Autre.

 

"Deviens lisible", me conseillent en substance les amis qui tentent de défendre mon travail dans le milieu de l'édition. Avec de l'action, des "événements", des "péripéties". Ce qui me semblait impensable hier, depuis la rencontre avec ces premiers lecteurs, prend désormais un autre sens. Puisque l'essentiel du message purement littéraire "passe" en tant que tel, pourquoi ne pas en faciliter l'abord par un aspect plus "divertissant"? Je crois que je vais finir par y travailler. Après tout, je lui dois bien ça, au lecteur.

 

La seconde leçon de ce premier roman est la suivante : on n'est pas écrivain. On est un homme. Que l'on écrive est bien certain, mais que la littérature se tienne à bonne distance, derrière - qu'on ne se résume surtout pas à cela. Rester, quoi qu'il arrive, ce type qui fait l'écrivain. La dérisoire stabulation de l'écrivain de salon du livre derrière ses piles, très peu pour moi. Je jetterai peut-être encore quelques romans dans les conduits, mais comme ça, avec légèreté, mine de rien ; l'esprit ailleurs. 

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14 avril 2010 3 14 /04 /avril /2010 11:34

Les grands textes sont de deux sortes : il y a ceux dont l'écriture "transporte"/il y a ceux dont la blancheur de l'écriture permet à l'esprit du lecteur de se "transporter" lui-même. L'un fait ses mélanges sous vos yeux, l'autre en vous-même.

 

Les autres ? Au feu ! Au feu !

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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 12:06

Sur le chemin du partir demeurer fidèle à chacun de mes voyages. Pas un qui ne soit là, à chaque fois, tous assemblés autour de moi comme l'électricité avant l'orage. Vers le Cap de Bonne-Espérance cette fois. Remonter aux tangantes passerelles. Instants aux cordes dénouées. Aux ombres vagues dans les voiles. On peut se passer de vivre, mais pas de ce chemin-là. Alors les livres qu'on écrit, les éditeurs, les entourloupes, les journalistes aux silences de chouettes, les détracteurs, les détraqués, l'ire, les soupirs, tout ça - pas grand chose, au fond, comparé à un sac qui attend. Que le geste d'écriture ne se contente jamais de lui seul ; que toujours il soit lié à pareille amplitude.  

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4 mars 2010 4 04 /03 /mars /2010 16:08
Lire, écrire. Editer, diffuser. Signaler, partager, inviter. Vendre, faire passer : provoquer ce divin hasard qui transforme un paquet de feuilles manuscrites en fusée éclairante pour plusieurs générations de lecteurs.

La lecture, bien sûr, est en train de changer. De nouvelles compétences humaines, l'affordance, la capacité à réagir instantanément à un brouillard d'informations de manière efficace. Mais l'émotion. Mais la découverte.

Le livre change. Il devient un produit dérivé de la télévision. Un objet de divertissement amputé de l'écran nécessaire pour être pris au sérieux par la nouvelle modernité du jour. Pour autant, malgré tous les efforts des groupes industriels qui l'absorbent peu à peu dans leur sphère globalisée et leurs logiques comptables, il résiste plutôt bien à la banalisation où certains voudraient le voir disparaître - lui et ses élans critiques.

C'est que le livre est ivre d'une histoire qui l'a vu transporter la mémoire des Dieux, les hauts faits des héros, la sagesse socratique, les illuminations rimbaldiennes, les ruées nietzschéènnes. Et puisqu'il ne se résigne pas, nous ne nous résignerons pas.

Il garde la tête froide, indépendant de tout, sauf des passions qui l'animent.

Dans cette période de repli, de creux sonore où la mollesse des esprits entraîne à des retours fâcheux (fondamentalisme, communautarisme, autoritarisme), plus que jamais nous aspirons à des littératures, à des pensées de hautes eaux dont toutes les diversités sans cesse proliférantes s'écrivent pareillement en Lettres capitales.
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 10:52

Finir le livre. Aller au bout de son écriture, vaille que vaille. Disposer les indices tout autour de soi. Cuisine transformée en atelier chaos pour faire bouillir mes chaudrons. Dans la pièce à côté piles de livres à même le sol, carnets, feuilles volantes. Sortir quelques bonnes bouteilles et tout ce qu'il faut pour fumer à son aise. Soutenir les élans de l'esprit. Allumer le vieux portable qui souffle comme un phoque et dont le caractère acariatre se manifeste à mon égard à chaque fois qu'il efface d'autorité tout le paragraphe que je viens d'écrire ou qu'il expédie un mot quatre ou cinq lignes plus haut dans le texte. Sûr qu'il a dû être conçu par un informaticien surréaliste ; ça peut convenir, juste rester sur ses gardes. Solitude toujours un peu soudaine, un peu alarmante au début. Et puis qu'on se met à habiter comme une hutte au fond des bois. Pluie et vent toute la semaine à ma fenêtre - mais ce matin, clair soleil sur ma page. On n'écrit peut-être pas pour autre chose que cela : ce matin clair sur la page.

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 15:38
"La rage de la tempête n'est pas contenue dans le bulletin météo. Mes livres ne sont pas des bulletins météo. C'est ce qui les rend illisibles à vos yeux", dit-il.
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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 10:08

MUNICH.JPG
Samedi. Remontant les rives de l'Isar sous la neige, bosqués esseulés, tout encombrés par leur propre réalité - froid hurlant dans une pénombre métaphysique. Je sors de la nouvelle Pinacothèque de Munich, ivre de joie et comme chaque fois fou de jalousie :
que ne nous permet-on, à nous autres littérateurs, pareilles audaces ! Quand les artistes peintres, plasticiens, vidéastes, réinventent chaque fois la structure et le sens même d'une installation, quand chacun de leurs gestes est attentat contre le banal et ses ordres moroses, appel de cet oeil sauvage qu'il faut pour regarder le neuf, nos romans aux formes sagement "Oui-Oui", aux si médiocres appétits, sont une insulte à Joyce, à Proust, à Valery, à Musil, à Faulkner, à Beckett. Formes pré-stendhaliennes, prétention de hableurs, tranquillité de faussaires, audaces parodiques de fils à papa. Ah non décidément, nous parlons d'ailleurs et d'autre chose. Et tant pis pour le commerce.


Note:
A propos de commerce, Le Voyageur Français est à moins de 3 euros sur Price Minister. 87% d'économie, précise-t-on, je n'ai pas vérifié. Mais moi ça me va bien, 3 euros. Il en reste une 20e d'exemplaires. Enjoy ! 
http://www.priceminister.com/s/gerard+larnac

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