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9 février 2009 1 09 /02 /février /2009 14:55

"Vous devez faire partie de l'intelligentsia pour écrire des choses pareilles; nul homme ordinaire ne saurait être aussi stupide". La phrase est d'Orwell, c'est Pierre Ryckmans (Simon Leys) qui la cite à propos de la récente publication "non autorisée" de Roland Barthes, "Carnets de voyage en Chine" (Bourgois, hélas).  Quand un aréopage de Tel Quel se met à voyager, sûr, le pire est à peu près certain. Nous sommes en 1974, en pleines purges maoïstes ; nos intellectuels sont invités à être pour quelques semaines les GM hallucinés du grand camp de vacances chinois. Barthes, l'homme qui pensait en fiches et dont les pitoyables "fragments du discours amoureux" s'arrachèrent durant 20 ans auprès des rosières et des ménauposées oeuvrant en facultés, s'insurge : non pas des massacres ni des déportations dont le peuple chinois est continuement la victime, mais de la médiocrité des plateaux repas servis sur Air-France. Si si, il menace même d'une lettre de réclamation. Jovialité touristique, morgue germanopratine et purges maoïstes : un vrai portrait en mouvement de nos "intellectuels". Tels quels, en effet. Tout est dit, une fois encore, par Pierre Ryckmans dont il faut relire un à un tous les livres. Son écart nous est cher. Soyons seuls avec lui.   

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 21:47

 

On ne voit en général pas leur nom dans les gazettes, certains jouissent d’une certaine notoriété, d’autres pas. Je les appelle les passeurs magnifiques, les « beautiful peoples » de la culture : conteurs, lecteurs publics, animateurs d’atelier d’écriture, de théâtre, de soirées poétiques, éditeurs risquant leurs tout derniers ronds pour faire connaître des textes délaissés, poètes locaux publiés à leurs frais… Leur travail, d'ordinaire peu visible dans la sphère médiatique, constitue pourtant la trame fondamentale où tout se joue. Ce qui fait que toute cette histoire de culture « tient » vraiment, dans le partage réel et le concret des rencontres.

 

Bruges. Long silence des canaux gelés. Je lis « La parole derrière les verrous » (Ed. de l’Amandier), de Nathalie Riera. Par petites touches expressionnistes, Nathalie raconte l’expérience dans laquelle elle est engagée, en tant que poétesse au style très sûr (elle ne va pas tarder à imposer l’évidence de son talent), mais aussi comme passeuse d’art et de sens.

 

Son pari : faire entrer le théâtre et la poésie en milieu carcéral. Koltès. Rilke. Jaccottet. Cioran.  Bonnefoy. Paz. Bataille. Ionesco. Reverdy. Des Forêts… Des mots : qu’ils font tomber les murs. Lisez les témoignages de détenus si vous en doutez. Dans ces voix qui se mêlent à celle de l’auteur, aux citations. L’espoir d’un retour possible.  

 

Il n’est plus grande force que cette vulnérabilité sans fard, que cette fragilité qui se donne telle, littérale – outillée seulement de poésie. On la charrie bien un peu, Nathalie. Si jeune. Si femme dans cet univers brutal, si sottement macho. Pourtant sa main ne tremble pas. Elle ira jusqu’au bout. Ce sont les autres qui tremblent. Les monstres. Du coup les masques tombent ; et c’est l’homme qu’on voit.

 

Au jeu du gendarme et du voleur, eux ont décidé de jouer la pièce dans le rôle des méchants. Nathalie revient sur la même scène, les entraîne, refait la distribution, agrandissant les perspectives. Elle les force à se tenir droit en cette seconde précise du jeu où le jeu est choix encore, monde ouvert : choix de faillir, choix de ne pas faillir. Leur apprend cet instant où ils peuvent encore choisir de ne pas faillir. Avant elle ils ne savaient tout simplement pas qu’un tel instant leur était encore permis.

 

Ce travail sur le théâtre leur montre que la vie n’est que jeu, mais totalement ; avec la responsabilité que  cela suppose. Le jeu est aussi l’art de la présence objectivée, contrôlée – ce que la vie ne leur avait pas permis d’affirmer jusque là. Donner à jouer, c’est leur rendre l’entier de leurs possibles.

 

Nathalie Riera a choisi de libérer la parole par le versant le plus difficile. Par la parole refaire le cercle humain. Poétique ardue, élevée. Poétique de vivant.

Si son travail s'impose à nous si clairement, c'est que Nathalie Riera retrouve une des fonctions premières de la poésie : une fonction fondatrice, une fonction sociale, solide, très concrète.   

 

  

 

Biblio de Nathalie Riera :

La parole derrière les verrous  (essai sur le théâtre et la poésie dans l’espace carcéral) - éd. L’Amandier, 2007


A paraître :

ClairVision « Sur le jerzey de laine suivi de Sol Sonora… divertimento pour vents&cordes », avec les encres de Lambert Savigneux – Publie.net, Collection « L’inadvertance » dirigée par François Rannou et Mathieu Brosseau, 2009 - http://www.publie.net/tnc/spip.php?article97

Paysages d’été suivi de Le pied à l’étrier & autres poèmeséd. Imp’Act d’ici&ailleurs, 2009


Depuis 2007, Nathalie Riera propose des ateliers d’écriture. Depuis 2008, elle anime avec une grande cohérence d’ensemble la revue web Les Carnets d’Eucharis et leurs bulletins Une étape dans la clairière.  http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

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24 novembre 2008 1 24 /11 /novembre /2008 21:11

 

10 août 1992 - Après la pluie sur les pavés du Pelourinho – palmes, écorces, épluchures, canettes métalliques. Salvador vit le jour : il fait des affaires, ou en tout cas s’y emploie. La nuit Bahia est africaine.

 

Ce soir nous sommes plus de quinze mille à nous entasser dans l’entonnoir électrique de la Place du Piloris. Toute la journée les services d’hygiène de la ville ont lessivé les trottoirs à grandes eaux, à cause de l’épidémie de choléra. Sur l'un des balcons de la place apparaît par moment Jorge Amado. C’est pour lui que tout Bahia fait la fête. En l’honneur de ses quatre-vingts ans. Et du 1er Symposium International que sa ville lui consacre. En compagnie de José Sarney, l’ancien président, et de nombreux artistes brésiliens (il y a là Gilberto Gil, Maria Bethenia…), l’auteur de Bahia de tous les Saints, tout de blanc vêtu, un verre à la main, regarde tout ça du haut de son balcon : l’incroyable foule de ces héros des rues dont il a su faire la matière vibrante de ses livres et qui tous ont tenu à venir lui rendre hommage. « Comment se fait-il qu’un auteur comme Amado soit aussi populaire ? », avais-je demandé, un peu incrédule devant tant de ferveur populaire, à un danseur de capoeira qui vivait de tapin et de combines louches. « Ma… C’est qu’il est oun poète ! », m’avait-il été répondu sur un ton de très sincère exaltation – comme si c’était là une évidence. Parce qu’il a dit la grandeur des hommes simples, la bravoure de ceux qui ne connaissent de liberté autrement que par la révolte et par l’excès. « Il a appris à aimer tous les mulâtres, tous les nègres, tous les blancs qui sur terre, entre les flancs des navires sur la mer, sont des esclaves en train de rompre leurs chaînes », écrivait en 1935 Jorge Amado à la fin de Jubiaba, en français Bahia de tous les saints. Prison, exil, livres brûlés. Mais certaines écritures ont pouvoir de refaire le cercle humain ; quoi qu’il arrive elles finissent toujours par être entendues, même sous la censure. Et c’est cela qu’on fête : le poète chamane a parlé, il a élevé Salvadore de Bahia à la dimension d'un mythe, d'une ville universelle. Chacun retrouve en lui ce reste de vieille fraternité humaine, le sens vibrant de la communauté, le goût sur les lèvres de notre présence aux autres – et l’on danse, on se frôle, on éprouve la pesanteur des corps, tout à la joie d’être ici, maintenant et ensemble. Devant la scène plusieurs femmes sont en transe, le corps secoué par des esprits. Les musiciens tentent de ramener le calme, « nous sommes tous là pour la paix et la musique ». Mais la transe est venue, l’esprit est venu ; aucune violence, mais une électricité démente s’est emparée de la foule. La musique a repris, mais quelque chose plane au dessus de la place du Piloris. Les déités africaines – elles sont là, éveillées pour de bon, qui passent de corps en corps.

 

 

 

Photo Sylvain Savolainen
http://www.sylvainsavolainen.com/

 

 

 

 

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10 octobre 2008 5 10 /10 /octobre /2008 20:03

"Alors commence le rêve, comme un doute, comme un regret qui unit les vainqueurs et les vaincus à la beauté et aux forces secrètes du Mexique... Rêve qui s'achève dans la mort des dernières nations nomades du nord et du nord-ouest - les "barbares", Chichimèques, Tepehuanes, Seris, Yaquis, Apaches. Rêve que poursuit Antonin Artaud, jusque dans la Montagne des Signes, au pays des Indiens Tarahumaras. Le rêve mexicain, c'est cette question que notre civilisation actuelle rend plus urgente : qu'aurait été notre monde, s'il n'y avait eu cette destruction, ce silence des peuples indiens ? Si la violence du monde moderne n'avait pas aboli cette magie, cette lumière ?" (Le Rêve Mexicain, ou la pensée interrompue - Gallimard - 1988).

Repartir sur la vieille piste du Rêve Mexicain, en compagnie d'Artaud. Pour guide désormais un Prix nobel de Littérature : Jean-Marie G. Le Clézio.


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27 septembre 2008 6 27 /09 /septembre /2008 13:10

Hier soir le concert à ne pas manquer était celui de mon bon Elliott Murphy. La Mairie du 6e en collaboration avec l'université Paris-Diderot célébraient les 35 ans de carrière du plus parisien des folk-rockeux américains (Il vit du côté de Bastille depuis 1989). Celui qui parle de Dylan comme du Picasso du rock'n roll, poète à ses heures sous influ Lord Byron et Jack Kerouac, était donc là, sur la petite scène, sous les lambris dorés, devant 300 personnes toutes acquises à sa cause. Olivier Durand à la lead guitar. Présenté comme le meilleur guitariste français, Olivier est un phénomène, certainement un des musiciens les plus stimulants du moment. Il sait tout faire dire à sa guitare, même ses pensées les plus secrètes. Jeu de scène très Pete Townshend grande époque. Survolant le dernier cd "Notes from the Underground", avec bien sûr quelques vieux classiques comme "The Last of a rock'n roll star" ou des reprises comme L.A Woman des Doors.  Elliott grâce au son volcanique des Normandy all Stars affirme son style et fraye une voie farouchement authentique - ce qui n'exclue ni l'humour ni la simplicité. Toujours le même, tel qu'il m'est apparu pour la première fois en 1982 à Caen - où il eut une influence déterminante sur le jeu d'harmonica de mon frère (que j'avais amené avec moi ce soir-là), lorsque celui-ci fit par la suite un peu de scène. En 1999, comme je passai l'été près d'Anduze, dans le Gard, une affiche visiblement faite par des amateurs du coin attira mon regard : au milieu de dix noms improbables j'avais lu "Elliott Murphy". Elliott, dans ce bled paumé ? C'était bien lui. Après s'être tapé quelques groupes de baluche, sous les étoiles, nous étions quoi, cinquante spectateurs peut-être (tous les autres étaient restés accrochés à la buvette) pour assister à un de ces concerts magiques qui communiquent à tous le simple bonheur d'être là. Je me souviens notamment de sa magistrale version du Blind Willie McTell de Dylan. Je me souviens aussi que c'était le premier concert rock de ma fille de... trois ans. Et je ne suis pas peu fier, pour dire le vrai, qu'elle ait commencé par là.


Site officiel d'Elliott Murphy :
http://www.elliottmurphy.com/


Site officiel d'Olivier Durand :
http://www.olivierdurand.com/

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25 septembre 2008 4 25 /09 /septembre /2008 15:09

L’arc de la bibliothèque aux mille tranches de livres, et un esprit tendu, un regard qui se perd dans les calmes forêts vallonnées du Périgord – au-dessus des hommes et de leurs religions. Au dehors l’air azur file sur l’aile des martinets. On entre dans la tour par la chapelle intérieure dont le plafond représente la voûte céleste. Au-dessus, au premier étage, la chambre. On reprend alors le vieil escalier en pierre et l’on pénètre enfin dans la fameuse « librairie » de Michel Eyquem de Montaigne. Une simple table face aux fenêtres qui encadrent, prises dans l’arc de la tour, la bibliothèque aujourd’hui disparue. « C'est là mon siège. J'essaie à m'en rendre la domination pure, et à soustraire ce seul coin à la communauté conjugale, et filiale, et civile ». Mille livres. Cela pouvait suffire, au siècle de Montaigne, à condenser tout le savoir du monde. Ses pas sur les dalles tandis qu’il s’absorbe dans ses pensées. L’esprit s’éveille avec le mouvement du corps. Montaigne marche dans sa « librairie ». Levant les yeux, sachant trouver à tout moment l’une des cinquante-sept sentences inscrites sur les poutres du plafond. Effacées certaines, recouvertes par d’autres. « Toute parole a son contraire ». L’orgueil humain empêche le déploiement de la pensée véritable. Toute certitude ne s’institue elle-même que dans le silence de cette réalité qui la dépasse. Cette idée que la certitude peut tuer. Guerres de religion. Catholiques, protestants. Croyances contre croyances. Dogmes contre dogmes. « Que sais-je ? ». Le doute. Mais aussi l’ancrage : « Je suis du monde ». De toutes les sentences et maximes que l'on peut encore lire le long des poutres, dans la "librairie" de Michel Eyquem de Montaigne, la plupart sert à réduire les prétentions de l'esprit : « Le vent gonfle les outres vides, l'outrecuidance les hommes sans jugement »… « Celui qui d'aventure se prend pour un grand homme, le premier prétexte l'abattra complètement »… « Ne soyez point sage à vos propres yeux ».

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5 juin 2008 4 05 /06 /juin /2008 17:42

L’écriture était belle, élégante, bien que petite, serrée. Une écriture de poète habitué à prendre des notes à la volée sur des supports improbables. Ses bristols frappés de trois lettres mythiques (N.R.F) n’arrivaient jamais, même en cas de refus, sans un mot d’encouragement. Et puis un jour cette voix, au téléphone : impossible d’en saisir un seul mot, j’avais beau tendre l’oreille, il parlait comme on se parle à soi-même. Un murmure, un filet - à défaut d’en comprendre le sens j’en suivais la rythmique. On finirait bien par se retrouver quelque part, Jacques Réda et moi.

 

Ce furent là, grâce au jazzistique poète, alors rédacteur en chef de la Nouvelle Revue Française, mes premières publications réellement littéraires. D’abord un texte d’hommage à Jack Kerouac dans la rubrique « Reconnaissance », fruits de mes tribulations à Lowell, New York et San Francisco - puis mes récits de bourlingues – mes dérives intempestives, mes jetées en dehors de tout repère situable. Lors d’un salon du Livre une publicité pour la NRF parut avec une accroche du style : « Les nouveaux talents Gallimard ». Comme mon nom figurait au sommaire du dernier numéro de la revue et qu’on ne se posa pas plus de question que cela, au service marketing, je fus embarqué dans le lot. Pendant les mois qui suivirent on me vit partout en vitrine sur la PLV Gallimard, en compagnie d’écrivains autrement plus sérieux. Comme dans le jeu du « cherchez l’intrus », le service manuscrit  finit par remettre de l’ordre en éconduisant gentiment, mais avec une constance assez désarmante, toutes mes offres de service ; je fus donc un « nouveau talent Gallimard » sans jamais avoir été édité par la vénérable maison. Mes histoires de routes n’étaient pas de saison.

 

Un beau jour, à l’invitation de Jacques Réda, je pénétrai avec l’égard des dévots dans le saint des saints. 5, rue Sébastien-Bottin. Un nom pour moi à ce point mythique que je croyais qu’il n’existait que dans les livres : Gallimard. Dans le hall grand style, sous le portrait des illustres, je demandai mon chemin à de souriantes bonnes fées qui trônaient derrière une banque d’accueil plus large qu’une piste de bowling. On me dit que le poète m’attendait quelque part dans les étages, dans le petit bureau qu’on lui avait attribué, loin, sous les combles. Il fallait prendre une sorte d’escalier de service qui colimaçonnait interminablement dans les étages ; et plus on s’élevait, plus le bâtiment changeait d’apparence, passant du faste bien ordonné du monde des affaires à un dédale peu clair, embrouillé, avec des pièces qui se mettaient soudain à rétrécir tout en prenant la forme du toit. Du virevoltage plein d’entrain des jolies secrétaires en tailleur on passait à un univers infiniment plus silencieux – odeur de poutres, de vieux papiers, de soleil tapant sur les ardoises. Ici pas d’ambiance « brainstorming », pas de salle de réunion. Mais la présence des poètes à la tâche dans leur chambre de bonne. Montant dans les étages je traversai le siècle. Ici restaient l’âme vive, l’acharnement silencieux et austère, la puissance du rêve, l’exigence de l’esprit. Ici pouvait s’entendre le cri de la plume au travail dans les recoins obscurs. De la lumière à la pénombre ; du livre à l’écriture. J’étais comme l’enfant qui monte au grenier, le cœur battant. Ce monde-là existait donc.

 

« Je vous annonce que j’ai fait valoir mes droits à la retraite », me dit Jacques Réda de sa voix toujours aussi murmurante, mais que la pénombre me rendait plus audible qu'à l'accoutumée. Le poète avait présenté mon recueil de récits et l’avait défendu devant le comité de lecture, on ne l’avait pas écouté, on m’avait pris pour un routard un peu attardé, l’invendable de service, provincial qui plus est, sans carnet d’adresses - le livre ne serait pas publié et il en gardait pour moi une certaine amertume. A quoi sert une revue, si ce n’est pour trouver de nouveaux auteurs, dit-il encore. Dans le bureau d’à côté il me présenta Dominique Aury, depuis 1954 secrétaire de rédaction de la NRF – et auteur d’Histoire d’O, le monument de la littérature érotique, lettre d’amour à Jean Paulhan. Bonjour madame.

 

Mes textes resteraient donc furieusement inédits chez Gallimard. Je repris mon escalier en colimaçon. En bas cette rumeur studieuse, radieuse, cette usine à succès où s’inventent gloire, fortune et renommée. Un dernier coup d’œil vers l'obscurité des étages, heureux quand même, porté par cette unique certitude : sous les toits de Paris veillent les poètes.

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 10:00

L’autre littérature. L’expression m’est venue en lisant Antoine Volodine, que je ne découvre vraiment qu’en ce moment, après raid massif sur les librairies. Pas une avant-garde, dit-il, une « xénolittérature », « une littérature étrangère ». Une écriture de combat. Echapper à l’ennemi c’est subvertir le réel, qu’il entend comme dispositif carcéral, empêchement de toute dissidence. Pour ce faire il met en œuvre un bataillon d’hétéronymes, à la Pessoa, invente son propre appareil critique (à l’aide de concept comme « apnée narrative », « surnarrateur »…) et nomme son mouvement solitaire et peuplé : Post-exotisme. Non pas seulement échapper aux écritures officielles, mais sortir de l’ennui mortifère des lectures officielles – de l’œil convenu au regard mort que l’ère du vide divertissant a placardé sur les faces.

L’œuvre de Volodine, c’est la toute première expression, ni collaborationniste ni repentante, de l’ère post-utopique. Le monde littéraire est un quartier de haute sécurité. L’espoir, dans tout ce noir, ce n’est plus ce que dit la voix – mais le simple fait qu’une telle voix y persiste. Parole carcérale, incarcérée, décarcérée par son être même, paroles d’entre murs, de cellule à cellule. Tintamarre de gamelles contre les barreaux – comme une rumeur pré-insurrectionnelle qui enfle.

 

 

A lire : Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, d’Antoine Volodine (Gallimard, 2008).

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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 17:29

Suis comme un vieux bluesman du delta qui joue, inlassable, à l'écart, la même suite d'accords qui fascine son esprit depuis toujours. Parfois on parle de moi et on cite mes trucs, sans doute on me croit mort, ça n'a pas d'importance. Alain Brossat dans son livre "La Paix barbare", Le Monde diplo de l'été dernier (pour mon article sur le rire), une conférence UNESCO au Québec, un cycle de philosophie à Budapest, un article sur le site de Radio Canada, une licence de sociologie à Caen, une licence de géographie à Nancy... Un quotidien d'Afrique Noire a même abondemment cité La Police de la Pensée pour contester son propre gouvernement... Les échos m'en reviennent, j'en suis le premier étonné, continue ma suite d'accords, le regard sur le Fleuve impassible. Mes notes, je les laisse voler. Elles me traversent. Elles ne m'appartiennent pas. Elles vont avec le vent.

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 18:15

J'aime bien Michel Onfray. Le type, pas l'oeuvre. Respect pour son Université Populaire, à Caen - ville où nous nous sommes peut-être croisés au cours de fêtes païennes sous la pluie, ou fumant les herbes rares au pied du Phénix, au siècle dernier. Allez savoir pourquoi, j'éprouve une amitié instinctive pour cette espèce de ferveur froide qui lointainement semble l'animer. Seulement, trop souvent, ses livres sonnent faux, au bon Michel. La philosophie est-elle à ce point compatible avec l'air du temps et la pose avantageuse ? Pas sûr. Quant à l'anti-philosophie qu'il professe, elle n'est souvent que pure anecdote d'étourdi sympathique. Bref je ne crois ni à son hédonisme, tarte à la crème bourgeoise style "parce que vous le valez bien", ni à ses volcans. S'il fume, je crois l'avoir écrit, ce serait plutôt à la manière des cheminées d'agrément. Rien de révolutionnaire, donc ; Onfray est un propret. Mais en lisant sa "Théorie du Voyage", entre deux poncifs et quelques idées sur un sujet qui ne l'inspire guère (maudites commandes d'éditeurs ! ) je trouve ça, et ça me comble : "D'un voyage ne devraient rester que trois ou quatre signes, cinq ou six, guère plus. En fait, autant que les points cardinaux nécessaires à l'orientation". Pas mal. Même si, bien sûr, j'aurais préféré que le passage s'achève sur le mot de "désorientation"...

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