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19 novembre 2008 3 19 /11 /novembre /2008 11:21

Harmonica : les histoires sérieuses commencent toujours passé minuit, à l’improviste de minuit, lorsque la neige dehors est dure et sale et tassée, sur les trottoirs où seul un blizzard à te percer les os. Alors : un caveau enfumé et au fond ce jeune type étrange, le regard dur comme des poings prêts à cogner, casquette, veste fourrée, là, sur la petite scène, un enfant presque, d’où vient-il, qui se bat comme il peut avec sa propre étrangeté dans un affrontement à la régulière, sincère, guitare barrée du capodastre, harmonica corne de brume, il souffle, limite, sait-il vraiment en jouer ou fait-il juste semblant, longues saccades échevelées, sauvages, plus déchirées que les lambeaux de la misère, visage impavide pourtant, comme s’il savait exactement de quoi il retourne, un noyé sous la glace qui regarde de tous ses yeux, passé la stupeur – quant à la voix elle ne cadre pas du tout avec le personnage, c’est celle d’un vieux trimardeur de Southern Pacific, un de ces gars qu’on voit traîner le long des voies ferrées, incrédules, prêts à tout pour brûler le dur, sac sur l’épaule, tête baissée, guettant le passage des immenses trains de marchandises pour se laisser glisser dans la nuit obscure du continent, un timbre qui vient de plus loin, de beaucoup plus loin que de lui-même, qui remonte sans doute au sans origine. Et tout à coup c’est là, devant vous, dans la brume glissent des fantômes, remuements de présences vagues – elles aussi viennent de loin. Elles sont là. Tu les vois. Il en vient de partout. La nuit est habitée.

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8 septembre 2008 1 08 /09 /septembre /2008 23:18
Le 7 octobre prochain sort le huitième volume des Bootlegs Series de Bob. Titre : Tell tale signs.
Déjà en écoute intégrale le single Dream'in of Life. Harry Dean on Route 66 ?


http://www.amazon.com/Tell-Tale-Signs-Bootleg-Vol/dp/B001D06SEI/ref=pd_bbs_sr_2?ie=UTF8&s=music&qid=1220912343&sr=8-2
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11 avril 2008 5 11 /04 /avril /2008 14:00

Le poids des visions sur les paupières mi closes, tu marmonnes la chanson, tu envoies le chant par en dessous le micro, jeté comme par dépit, les yeux levés, regard exténué, comme il est lourd de porter tout ça, le public ne comprend pas, tu portes sur tes épaules toute cette attente, cette incompréhension, toi tu cherches un peu de clarté quand la plupart de ceux qui sont là n’aspirent qu’à cette pénombre d’écurie, ils veulent des réponses, des phrases dites dans des langues connues, toi les langues connues t’ennuient, ce que tu cherches est d’une autre consistance, ça passe par la musique mais ce n’est pas la musique, ne m’emmerdez pas avec toute votre poésie, ce n’est pas de la poésie non plus, pas ça exactement, ça ne s’y réduit pas. Ca vient de plus loin, du son, mais ce n’est pas ça non plus, c’est antérieur, c’est antérieur – ça vient d’avant. D’un temps sans langue ni mémoire.

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6 mars 2008 4 06 /03 /mars /2008 16:29

Rien de spécial à en dire, finalement. Pas un livre, pas même un manuscrit. Après avoir publié Le Regard échangé, puis avoir fini un récit d'aventure pour jeunes ados (écrit pour une seule lectrice), cette petite chose, insignifiante au début, quelques notes sur Bob Dylan mélangées avec des brèves de blog. Au final une composition suffisament déglinguée pour m'intéresser. Dissonnante. Ni ci ni ça. Un truc entre deux eaux. Comme une vie "out take", une prise non retenue.  

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7 décembre 2007 5 07 /12 /décembre /2007 22:46

isis.gifSix personnages en quête de Bob Dylan. Un petit black vagabond joueur de guitare et déjà raconteur de bobards invétéré (Marcus Carl Franklin). Heath Ledger en Dylan période « New Morning » déchirant son amour (Charlotte Gainsbourg). Incroyable Cate Blanchett en Dylan androgyne et lunaire version psychédélique époque « Don’t Look back » speed électricité tournée folie sans fin ulcérations londoniennes « Judas ». Richard Gere en Dylan version Billy the Kid, sage et outlaw en paix avec lui-même… Et Christian Bale. Et Ben Whishaw. Dans son splendide I’m not there, Todd Haynes laisse passer la parade des avatars illuminés, des monstres à deux têtes, déconstruit la légende dont il laisse flotter ça et là les symboles. Et se garde bien de faire converger les voies/voix diverses de la geste dylanesque. Puzzle aux pièces manquantes : rendez-vous avec le chaos. « Je n’aimerais pas être moi », dit Bob Zimmerman en prenant des nouvelles de Bob Dylan dans les journaux. Tout se passe dans les chansons qui sont là, en appui (interprétations ou originaux) lampes tempêtes qui agitent l’obscur. Une vie n’est pas la somme des ratages et des succès. Rien ne jointe. Rien ne s’annule. Que sait-on jamais d’un homme ? Que sait-il de lui-même ? Tout se déroule ailleurs, backstage. Une machine à écrire qui fonce dans la nuit du désir comme un Southern Pacific et jamais ne revient en arrière pour reprendre un seul de ses mot. Et puis ça, perle absolue des bootlegs, jamais entendue par le grand public : I’m not there, enregistré en 1967 à Big Pink, Woodstock, avec le Band, période Basement Tapes. Cette voix blanche qui recouvre tout, ce nœud dans la gorge qui est la signature de notre humaine condition, de notre humain cirque : le fait de n’être pas là. A combien manquons-nous ce soir, à combien d’autres manquerons-nous bientôt. Bonne question, murmure Mister Jones à côté de moi avant de s’éclipser bien avant la fin de la séance, l’air d’avoir pissé sous lui. Plus tard dans la nuit - poursuivre avec le double cd ; indispensable pour se glisser encore une fois dans les immensités sauvages et colorées de l’œuvre dylanienne. Et repartir en freewheeling…

A ne pas manquer chez François Bon http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1029
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5 novembre 2007 1 05 /11 /novembre /2007 21:12

http://www.youtube.com/watch?v=oCeKkJlMJDQ

Bob Dylan : une acoustique possible de la conscience humaine. 
Une pierre lancée dans l'obscur du temps afin d'en évaluer la profondeur. Encore fallait-il qu'il contienne en lui, ou feigne de contenir, cette profondeur-là.

 

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4 octobre 2007 4 04 /10 /octobre /2007 13:42

Je n’aimerais pas être biographe ni exégète de Bob Dylan : ce serait renoncer à être Dylan lui-même. A entrer dans la place élidée de l’Artiste. Et ça, non : ne jamais y renoncer. Tout y est préférable : les ratages, les silences, l’indifférence de tous. Mais ne pas être Dylan, ça, jamais !

Lorsque je pense à Bob, au commencement me vient le verbe de l’amitié. Salut Bob, prend un verre, assied-toi vieux. Le pire affront envers lui, l’erreur à ne pas commettre, serait de le placer tout en haut de l’Olympe. Ca me va.

Quelques éléments : une demi-douzaine de concerts sur 30 ans, toujours devant, de Colombes 1979 (il était alors unanimement détesté par la Presse) à Lille en 2006 (où il poussait sa légende comme Sisyphe son rocher) ; le stock de quasi toute sa discographie officielle, plus le stock à peu près équivalent de tout ses bootlegs ; Tarentula, son livre de cut-up poétiques ratés des années 70 ; Chroniques, ce chef-d’œuvre à ranger à côté de La Rage de vivre du jazzman Mezz Mezzrow ; les films « Don’t look back » de 1965 (ah la scène de la machine à écrire où il frappe et frappe et frappe en se dandinant au rythme de la voix de Joan Baez !), le Peckinpah dont il fit la BOF (« Pat Garrett et Billy le Kid »), l'adieu aux 70's avec le grandiose "The Last Waltz" de Scorsese, plus récemment le mystérieux « Masked & Anonymous » (aimer un salaud quand il est son père) - l'autre Scorsese, "No Direction Home", film intimiste, extraordinairement serré ; la kyrielle de bouquins « sur » Bob, Greil Marcus en tête, mais aussi l’excellent Sam Shepard,  François Bon tout récemment. Telles sont les données.   

Le moindre éclat de voix, le premier grincement d’harmo de Bob me renvoie immanquablement à ce lointain après-midi normand où rien ne m’attendait, si ce n’est l’attente éreintante de moi-même ; où Jean-Bernard Hebey, à la radio, avait organisé une émission « Spécial Dylan ». Tant de dissonances et de dysharmonie sur les ondes. J’avais tout enregistré. Il fallait que je sache. La bande magnétique passait et repassait en boucle. Car sous l’agacement et le mal de crâne qui se dessinait à l’écoute de  ce Dylan venait aussi une sorte de vague sourire. Un demi sourire. Qui emportait tout sur son passage. Un swell d’enfer. Une possibilité euphorisante de vie et de compréhension surplombante.

J’écoutai, médusé. Ce type-là avait l’air d’en savoir foutrement long sur mon propre compte. Bien des années plus tard, le sourire énigmatique d’Avalokitesvara, le bodhisattva de compassion entrevu au musée de Boston (le préféré de Kerouac), c’était le même.

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10 septembre 2007 1 10 /09 /septembre /2007 22:45
DSC01765.JPG

Le problème avec les statues, c’est qu’on a souvent tendance à tourner autour. Que diable allait-on donc trouver dans cette énième biographie de Maître Bob qui vient de sortir sous la signature de François Bon (Bob Dylan, une biographie – Albin Michel) ? François Bon en Lévi-Strauss du peuple levi strauss, comme dans son exceptionnel « Rolling Stones » ? Ou en Madame Michue dans l’escalier, rafistolant sa mise-en-plis, toute excitée à l’idée de croiser un de ces jeunes hirsutes avec leur drôle de guitare et dont on parle tant à la télé ?

 

Ecouter Dylan, parler de Dylan, jouer du Dylan, régler sa dette supposée envers Dylan, aduler Dylan, détester Dylan, s’en foutre de Dylan.

 

Il y a les Dylan’s freaks et il y a nous, ceux qui se sont rués comme par effraction dans une pièce inconnue d’eux-mêmes et dans laquelle, sans Dylan, ils ne seraient probablement jamais entrés. Là, qu’avons-nous donc découvert de si précieux ? Qu’avons-nous vu ? Comment et pourquoi cette soudaine mue ?

 

Avec humilité, François Bon cite Rimbaud, qui pourrait parler en lieu et place de Dylan : « J’ai seul la clef de cette parade sauvage ». On sait que, malgré tous les efforts, la distance est irréductible. C’est pourquoi toute bio de Dylan finit toujours par devenir celle du biographe, seul avec lui-même. Pour autant François Bon n’en saisit pas moins le principal : ce double mouvement de construction (de soi en figure de légende) et de déconstruction (de la musique traditionnelle américaine, pour en extirper une stupéfiante nouveauté). C’est ça, ce qui fait que malgré leur immense talent ni un Neil Young ni un Bruce Springsteen ne sont jamais parvenus à jouer dans la même catégorie que Bob.

 

C’est Dylan lui-même qui explique ce qu’il entend par une bonne chanson : : « Elle tirait son tranchant de ses couplets irréguliers. Le phrasé du chant ne suit pas la ligne mélodique. Celle du refrain, en revanche, collait aux paroles. J’ai commencé à jouer avec ces formes, pour essayer de piger, pour que la chanson transcende à la fois l’information, le personnage et l’intrigue ».


« Il y a des gens qui méditent en regardant une fissure au plafond, moi c’est à partir d’une chanson », dit encore Bob Dylan.

François Bon saisit au plus près, à travers l’expérience d’une écoute qu’on devine chez lui assidue, ce qui chez Dylan « fait » littérature. Cette « qualité concrète d’images suspendues une seconde et remplacées par une autre ». « Dylan, autant que la chanson, met en avant le personnage qui chante, et qu’il construit comme une fiction ». «  Le texte de poésie ne fonctionne qu’à condition d’insérer l’auteur dans le même geste qui se saisit de l’objet poétique ».

Par le chaos et les tensions qu’il installe dans notre propre attente, tout se passe chez Dylan,  « comme si tout le travail du sens nous était remis en mains propres ». En cela nous voici embarqués dans le processus créatif en train d’avoir lieu. Non plus spectateurs passifs, mais conscience pleinement actante.

Bien sûr par moment on aimerait que François Bon entre un peu plus dans le champ. Il s'en garde bien (il a sur les épaules le poids du docu chef d'oeuvresque de Scorsese et de Chroniques qui, non François, n'est pas une autobiographie, juste de la littérature au sommet). Même si parfois il nous fait rire, deux fois au moins, par ses « Bob fait ça ? Ben moi pareil ». Mais c’est d’un rire complice, un rire ami. Nous l’avons tous fait. Traduit chez moi ça donnait : «Etre Bob ou rien ». La vie, la carne, a foutrement bien tranché !

L’art est décidément un objet migratoire. L’artiste n’est pas là pour lever le doute mais pour l’instiller plus profondément encore. Et pour nous embarquer, comme pour une virée sur le Highway 61. Alors envie, encore une fois, de répéter l'absolue sidération. Recommencer, une fois encore, le voyage. 

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2 juillet 2007 1 02 /07 /juillet /2007 16:22

bobkerouack.jpgAu tournant des années 60 de l’autre siècle, Bob Dylan s’est baissé pour ramasser par terre la tradition américaine dont personne ne voulait plus. Pour y puiser la force d’un élan à la mesure des temps nouveaux. Pour la porter en avant, cette mémoire collective, vers l’avenir, vers le possible d’une autre mémoire à construire.

La civilisation américaine est sa matière. Il va en tenir la chronique. Et mettre dans des formes anciennes des paroles nouvelles : héritage, elles, des surréalistes français dont la présence à New York durant la guerre a profondément marqué les Etats-Unis. Pour se séparer de la tradition, pour imposer à tous et à lui-même l’inouï de sa présence artistique, le barde de Greenwich Village confronte son héritage culturel au désenchantement de l’Amérique de la menace nucléaire. Etrangeté et distance au rôle sont les instances de légitimation du discours dylanien. Pimenté d’ironie, mordante, qualité elle aussi bien peu américaine. Parce que l’ironie c’est être à la fois dedans et dehors. En limite. Ambigu. Paradoxal. Et qu’en Amérique, ou vous êtes dedans ou vous êtes dehors. Pragmatique de l’action. L’ironie, c’est ce qui vous flingue ces héros de l’Ouest, trop sûrs de leur fait. Ou ce qui vous fait passer pour un anti patriote durant la guerre du Vietnam - ou après un 11 septembre.

 

De même que l’art moderne donne à voir la peinture plus que le tableau, de même que le surréalisme offre à voir l’écriture en son point d’émergence plus que de la littérature, Dylan donne à entendre le chant plus que la chanson. Le chant, au sens chamanique : ce moment précis où se mêlent le son, la voix, l’attitude, l’envoi, le pouvoir. Chanter pour faire tomber la pluie ou se taire à jamais.

 

Ces opus, innombrables, sont pour la plupart héritiers (parfois copiés-collés, cut-off, citations, remix, échos) du folk anarcho-syndicaliste à la Woody Guthrie, mais aussi de la country music, des chansons de cow-boy, des ballades irlandaises, du blues du delta, sans oublier le rockabilly, le rock’n roll, etc. S’ils invitent à une relecture quasi exhaustive du patrimoine musical américain, ils n’en ouvrent pas moins sur une posture d’avant-garde, dont l’hypermodernité nous frappe encore aujourd’hui. Parce que le répertoire dylanien en opère la synthèse. Toute cette fresque historique de l’Amérique concentrée dans la pointe affûtée d’une flèche indienne dont il attend toujours, pour la décocher, le moment le plus opportun. Si les groupes britanniques ont réveillé le blues et le rock tandis qu'ils se mouraient, de l'autre côté de l'Atlantique Dylan, lui, réactive le désir qu'avait eu en son temps Emerson : fonder une pensée authentiquement américaine, sans plus écouter "les muses raffinées de la vieille Europe", une pensée à la mesure, sauvage, rugueuse, de ce pays-continent.

 

Dans la gestion finale de sa propre légende que représente son Never Ending Tour, cette « tournée sans fin », Bob Dylan est devenu une sorte de M.Loyal de lui-même. Condamné à répéter dans les arènes du monde entier son propre mythe, comme Buffalo Bill et Sitting Bull achevant eux-aussi leur existence sur la cendrée des cirques, reproduisant à l’infini leurs hauts faits passés pour un public ravi bouffeur de pop-corn. Mais dans ce corps à corps avec la reprise infinie de tant de chansons légendaires, il y a toujours ce moment, souverain, où il parvient à tordre le cou à son propre mythe pour entrer dans la chanson comme s'il venait de la découvrir.

 

Pourtant à cet éternel demi-sourire qu’il laisse parfois entrevoir se devine autre chose. Jamais dupe de lui-même, Bob Dylan fait son démonstrateur à la Samaritaine tout en clignant de l’œil. Un final pop art, à la Warhol, s’inscrivant dans le moule pour mieux le faire éclater de l’intérieur. Les vraies révolutions n’ont l’air de rien. Lui ne s’est jamais affronté qu’à un seul et même adversaire : le temps . Le temps qui inverse le cours des situations, défaits les certitudes, emporte dans ses mouvements incessants toute idée de stabilité – ce temps qui au final vous plante son dard en plein cœur et passe son chemin comme si de rien n’était. De « Times they are a-changin’ » à « Modern Times » en passant par “Time out of Mind”, Bob Dylan nous fait toucher le vif, le vide du temps qui passe. On ne construit pas de lucidité sans en passer par là.



A paraître, Bob Dylan - une biographie (Albin-Michel), par François Bon

http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article924

 

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24 juin 2007 7 24 /06 /juin /2007 10:31

Juste une pierre qui roule

 

 ('coute ça)

Il était une fois ce temps où tu étais si belle

Tu filais un peu de fric au clodo, ça fait un sacré bail

Pas vrai ?

Les autres te disaient fais gaffe poupée tu vas finir par te planter,

Tu croyais que c’était juste pour se moquer de toi

Toi tu te foutais tellement de tous ceux qui zonaient par dehors

Maintenant tu as cessé de la ramener

Maintenant c'est sûr tu frimes moins

A force d’avoir sans cesse à mendier

Ton prochain repas

 

Qu’est-ce que ça fait

Qu’est-ce que ça fait dis-moi

D’être  à la rue

Pire qu’une paumée

Une pierre qui roule

 

Ah c’est vrai

T’as eu droit aux meilleures écoles, c’est un fait Miss Lonely

Mais qu’est-ce que tu y as fait d’autre

A part te défoncer

Personne ne t’y a jamais appris à te débrouiller dans la rue

Maintenant il va vraiment falloir que tu t’y fasses

Tu prétends que jamais

Tu ne négocies

Avec le clochard mystère mais là tu

Réalise

Qu’il n’est pas en train de te vendre

Un simple alibi

Tu fixes le vide

De ses yeux

Tu dis

Est-ce qu’on peut faire un deal ?

 

Qu’est-ce que ça fait

Qu’est-ce que ça fait dis-moi

D’être  larguée à ce point

Sans espoir de retour

Une parfaite inconnue

Une pierre qui roule

 

Ah non jamais

Tu ne t’es retournée pour voir les trognes

Des jongleurs et des clowns qui faisaient tous leurs tours

Uniquement pour toi

Jamais compris qu’il ne faut pas laisser les autres

Trouver le kick pour toi

Tu montais un cheval de chrome avec ton

Diplomate

Celui qui portait un chat siamois

Sur son épaule

C’est salement dur

De découvrir qu’il n’était pas vraiment

Celui qu’il prétendait

Une fois qu’il t’a volé

Tout ce qui pouvait l’être

 

Qu’est-ce que ça fait

Qu’est-ce que ça fait dis-moi

D’être  larguée à ce point

Sans espoir de retour

Une parfaite inconnue

Une pierre qui roule

 

Ahhhhhhhh –

Princesse en son donjon et toute sa petite cour

En train de picoler en pensant combien

Ils ont réussi

Echangeant leurs présents fastueux

Tu ferais mieux

De prendre la bague en diamant 

Pour aller la foutre au clou, p'tite

Tu rigolais tellement

De ce Napoléon en haillons

Et de la langue grotesque dans laquelle il s’exprimait

Va le retrouver, le voilà qui t’appelle, ça se refuse pas allez

Quand t’as plus rien

T’as plus rien à perdre

T’es devenue invisible, plus de secrets

A dissimuler

 

Qu’est-ce que ça fait

Qu’est-ce que ça fait dis-moi

D’être  larguée à ce point

Sans espoir de retour

Une parfaite inconnue

Juste une pierre qui roule

 

(Like a Rolling Stone, Bob Dylan, 1965 - Nouvelle traduction G.L).

"Cette musique ne trouve jamais foyer chez quiconque s'en réclame et cherche toujours un nouveau corps à habiter, une nouvelle chanson, une nouvelle voix". (Greil Marcus, Like a Rolling Stone - Bob Dylan à la croisée des Chemins, Points-Seuil).

Like a Rolling Stone : et le barde devint le rimbaud électrique. Chiasme, traversée du miroir. Comment ne pas savoir, après ça, comment bougent les choses... 

Cette descente en piqué que représente Like a Rolling Stone, ce raid, ce Pearl Harbour musical qui prit tout le monde de court au printemps 65, Dylan le premier – mais qui ne renie rien, ni le Mayflower ni les indiens massacrés ni les hobo anarcho-syndicalistes de la grande dépression ni les pendaisons joyeuses justifiées par des couleurs de peau – qui ne renie rien et prend le tout, pousse le tout, charrie le tout,  ce Pearl Harbour où se reconstruit pourtant une amérique possible, et où cette amérique possible sut si bien se reconnaître, sur le mode d’un « et cependant », d’un « peut-être », belle qui danse encore si haut alors qu’elle tombe déjà - « how does it feel » et seule l’orgue répond sur cinq notes affolées, pas les mots mais les modulations de la voix, ce jeté à la face, ce pas de réponse, c’est pas contre elle, la belle, c’est contre ce destin qui si soudainement s’inverse - « with no direction home » - et te fait basculer cul par-dessus tête dans le grand anonyme.

A visiter absolument : "Traduire Dylan", le très beau texte de François Bon sur http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article578

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