Juste une pierre qui roule
('coute ça)
Il était une fois ce temps où tu étais si
belle
Tu filais un peu de fric au clodo, ça fait un sacré
bail
Pas vrai ?
Les autres te disaient fais gaffe poupée tu vas finir par te planter,
Tu croyais que c’était juste pour se moquer de toi
Toi tu te foutais tellement de tous ceux qui zonaient par
dehors
Maintenant tu as cessé de la ramener
Maintenant c'est sûr tu frimes moins
A force d’avoir sans cesse à mendier
Ton prochain repas
Qu’est-ce que ça fait
Qu’est-ce que ça fait dis-moi
D’être à la
rue
Pire qu’une paumée
Une pierre qui roule
Ah c’est vrai
T’as eu droit aux meilleures écoles, c’est un fait Miss Lonely
Mais qu’est-ce que tu y as fait d’autre
A part te défoncer
Personne ne t’y a jamais appris à te débrouiller dans la
rue
Maintenant il va vraiment falloir que tu t’y
fasses
Tu prétends que jamais
Tu ne négocies
Avec le clochard mystère mais là tu
Réalise
Qu’il n’est pas en train de te vendre
Un simple alibi
Tu fixes le vide
De ses yeux
Tu dis
Est-ce qu’on peut faire un deal ?
Qu’est-ce que ça fait
Qu’est-ce que ça fait dis-moi
D’être larguée à ce
point
Sans espoir de retour
Une parfaite inconnue
Une pierre qui roule
Ah non jamais
Tu ne t’es retournée pour voir les
trognes
Des jongleurs et des clowns qui faisaient tous leurs
tours
Uniquement pour toi
Jamais compris qu’il ne faut pas laisser les
autres
Trouver le kick pour toi
Tu montais un cheval de chrome avec ton
Diplomate
Celui qui portait un chat siamois
Sur son épaule
C’est salement dur
De découvrir qu’il n’était pas vraiment
Celui qu’il prétendait
Une fois qu’il t’a volé
Tout ce qui pouvait l’être
Qu’est-ce que ça fait
Qu’est-ce que ça fait dis-moi
D’être larguée à ce
point
Sans espoir de retour
Une parfaite inconnue
Une pierre qui roule
Ahhhhhhhh –
Princesse en son donjon et toute sa petite
cour
En train de picoler en pensant combien
Ils ont réussi
Echangeant leurs présents fastueux
Tu ferais mieux
De prendre la bague en diamant
Pour aller la foutre au clou, p'tite
Tu rigolais tellement
De ce Napoléon en haillons
Et de la langue grotesque dans laquelle il
s’exprimait
Va le retrouver, le voilà qui t’appelle, ça se refuse pas
allez
Quand t’as plus rien
T’as plus rien à perdre
T’es devenue invisible, plus de secrets
A dissimuler
Qu’est-ce que ça fait
Qu’est-ce que ça fait dis-moi
D’être larguée à ce
point
Sans espoir de retour
Une parfaite inconnue
Juste une pierre qui roule
(Like a Rolling Stone, Bob Dylan, 1965 - Nouvelle traduction G.L).
"Cette musique ne trouve jamais foyer chez quiconque s'en réclame et cherche toujours un nouveau corps à habiter, une nouvelle chanson, une nouvelle voix". (Greil Marcus, Like a Rolling Stone
- Bob Dylan à la croisée des Chemins, Points-Seuil).
Like a Rolling Stone : et le barde devint le rimbaud électrique. Chiasme, traversée du miroir. Comment ne pas savoir, après ça, comment bougent les choses...
Cette descente
en piqué que représente Like a Rolling Stone, ce raid, ce Pearl Harbour musical qui prit tout le monde de court au printemps 65, Dylan le premier – mais qui ne renie rien, ni le
Mayflower ni les indiens massacrés ni les hobo anarcho-syndicalistes de la grande dépression ni les pendaisons joyeuses justifiées par des couleurs de peau – qui ne renie rien et prend le tout,
pousse le tout, charrie le tout, ce Pearl Harbour où se reconstruit pourtant une amérique possible, et où cette amérique possible sut si bien se
reconnaître, sur le mode d’un « et cependant », d’un « peut-être », belle qui danse encore si haut alors qu’elle tombe déjà - « how does it feel » et seule
l’orgue répond sur cinq notes affolées, pas les mots mais les modulations de la voix, ce jeté à la face, ce pas de réponse, c’est pas contre elle, la belle, c’est contre ce destin qui
si soudainement s’inverse - « with no direction home » - et te fait basculer cul par-dessus tête dans le grand anonyme.
A visiter absolument : "Traduire Dylan", le très beau texte de François Bon sur http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article578