Le Time, dans son édition européenne du 3 décembre, titrait en une « La mort de la culture française ». La thèse a déjà fait couler beaucoup d’encre et grincer bien des dents. Pour péremptoire qu’il soit, cet article cependant nous dit trois choses fondamentales, qu’il aurait fallu entendre : la culture française se meurt de nombrilisme, de manque d’audace et de consanguinité. Le fait de connaître d’une écrivaine et/ou narratrice la vie supposée de sa petite culotte dès la page trois d’un récit ne possède aujourd’hui plus aucune charge de rébellion. Il faudrait que l’édition parvienne à rompre avec les audaces qui n’en sont plus depuis longtemps, avec ces libérations niveau potaches qui ne sont plus désormais que de bien plates conventions. Dans un monde bouleversé par les guerres, les ravages de toutes sortes, les injustices les plus insensées, l’autofiction devient une injure à l’intelligence, voire une indignité. Quand on ne s’appelle pas Montaigne, on ne fait pas dans l’autofiction ! Voici pour la critique. La façon de remonter la pente ? Regarder là où se créent les énergies nouvelles : dans les marges, chez les barjes, les excentriques, les décalés, les minorités (mais sans la supercherie du "politiquement correct"), les autodidactes non formatés. La France, devenue « un bazar multiethnique », peut, en puisant dans les forces vives du métissage, régénérer sa scène culturelle. C’est du reste ce qui est en train de se passer, notamment par des auteurs francophones mais non français d’origine, dont la contribution à l’espace culturel national (et mondial) est de plus en plus évident. C’est aussi la démarche des Etonnants Voyageurs de Michel Le Bris dont le Festival de Saint-Malo (10-12 mai 2008) aura pour thème : « Migrations » : « Jusqu’ici nous pensions essentiellement le monde dans les catégories du stable : état/nation, territoires, frontières, opposition intérieur/extérieur, communautés, familles, identité. Il se pourrait que le monde qui naît devant nous et nous emporte déjà nous oblige à une révolution : penser le monde, désormais, – et nous-mêmes avec lui – à partir, non plus du stable mais du mouvant. Moins une pensée des structures qu’une pensée des flux : flux de populations, comme jamais le monde n’en connut, migrations, volontaires ou subies, flux de capitaux, flux d’images et de sons, immédiateté d’une communication mondialisée. Où l’imaginaire individuel et collectif, paradoxalement, retrouve dans le grand tohu-bohu planétaire une place centrale de puissance de création de communautés imaginaires, fluides, plurielles, en perpétuelles recompositions », écrit Le Bris.
Alors, morte, la culture française ? Non : en train de se régénérer. Men at work.