Six personnages en quête de Bob Dylan. Un petit black vagabond joueur de guitare et déjà
raconteur de bobards invétéré (Marcus Carl Franklin). Heath Ledger en Dylan période « New Morning » déchirant son amour (Charlotte Gainsbourg). Incroyable Cate Blanchett en Dylan
androgyne et lunaire version psychédélique époque « Don’t Look back » speed électricité tournée folie sans fin ulcérations londoniennes « Judas ». Richard
Gere en Dylan version Billy the Kid, sage et outlaw en paix avec lui-même… Et Christian Bale. Et Ben Whishaw. Dans son
splendide I’m not there, Todd Haynes laisse passer la parade des avatars illuminés, des monstres à deux têtes, déconstruit la légende dont il laisse flotter ça et là les symboles. Et se
garde bien de faire converger les voies/voix diverses de la geste dylanesque. Puzzle aux pièces manquantes : rendez-vous avec le chaos. « Je n’aimerais pas être moi », dit Bob
Zimmerman en prenant des nouvelles de Bob Dylan dans les journaux. Tout se passe dans les chansons qui sont là, en appui (interprétations ou originaux) lampes tempêtes qui agitent l’obscur.
Une vie n’est pas la somme des ratages et des succès. Rien ne jointe. Rien ne s’annule. Que sait-on jamais d’un homme ? Que sait-il de lui-même ? Tout se déroule ailleurs,
backstage. Une machine à écrire qui fonce dans la nuit du désir comme un Southern Pacific et jamais ne revient en arrière pour reprendre un seul de ses mot. Et puis ça, perle absolue des
bootlegs, jamais entendue par le grand public : I’m not there, enregistré en 1967 à Big Pink, Woodstock, avec le Band, période Basement Tapes. Cette voix blanche qui
recouvre tout, ce nœud dans la gorge qui est la signature de notre humaine condition, de notre humain cirque : le fait de n’être pas là. A combien manquons-nous ce soir, à combien d’autres
manquerons-nous bientôt. Bonne question, murmure Mister Jones à côté de moi avant de s’éclipser bien avant la fin de la séance, l’air d’avoir pissé sous lui. Plus tard dans la nuit -
poursuivre avec le double cd ; indispensable pour se glisser encore une fois dans les immensités sauvages et colorées de l’œuvre dylanienne. Et repartir en freewheeling…